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Homélie pour la solennité de l'Assomption

 Dans la première lecture, tirée du livre de l’Apocalypse – c’est-à-dire le livre des révélations – saint Jean place sous nos yeux la vision formidable de l’entrée de l’Arche d’alliance dans le sanctuaire de Dieu. L’Arche d’alliance avait été fabriquée sur les ordres de Moïse par Beçalel et ses compagnons, afin de servir de réceptacle aux Tables de la loi : ces tables de pierre « écrites du doigt de Dieu », ramenées de l’Horeb. L’arche avait été ensuite solennellement introduite au cœur du Temple de Jérusalem, dans le Saint-des-saints, au temps du roi Salomon. Mais ce ne fut pas cela que vit saint Jean, à qui fut donné de contempler « le sanctuaire de Dieu qui est dans le ciel », non sur Terre, et qui vit, en guise d’arche, « une femme, ayant le soleil pour manteau ». Comment comprendre cela ?

L’Ancienne alliance était fondée sur le respect de la loi de Moïse, et en particulier les dix commandements ; c’était la loi qui scellait le lien entre Dieu et son peuple. La Nouvelle alliance, qui n’abolit pas l’Ancienne mais l’accomplit, est fondée, quant à elle, sur la personne de Jésus, Dieu fait chair, dans le sang qu’il a versé pour nous ; ce sont les paroles que nous répétons au cœur de chaque messe, lors de la consécration eucharistique. Et puisque la personne de Jésus, non seulement dans sa nature divine, mais aussi dans sa nature humaine, scelle la Nouvelle alliance, alors son réceptacle mérite aussi le titre d’arche d’alliance. Et puisque la Nouvelle alliance est l’alliance éternelle, puisqu’elle ne passera pas, alors c’est l’arche de cette alliance qui est l’arche véritable, et celle de Moïse en était la préfiguration. Et cette arche, qui abrita le Seigneur, c’est Marie.

L’Arche de la loi ancienne était faite en bois d’acacia et couverte d’or étincelant. La femme que vit saint Jean était brillante comme si elle avait pour manteau le soleil ; en réalité, elle resplendissait de la gloire de Dieu. Et comme le bois d’acacia servait dans l’antiquité à construire la coque des navires à cause de son imputrescibilité, la Vierge immaculée, préservée de la pourriture du péché, apparaît surmontant la lune aux faces toujours changeantes et figurant les vicissitudes du monde.

Nous pourrions être tentés de faire remarquer que l’Arche ancienne n’était pas si importante que ce qu’elle contenait : les Tables de la loi. Néanmoins, ce ne sont pas les Tables de la loi que Dieu ordonna aux hébreux de faire avancer dans le Jourdain pour en écarter les eaux, ni de faire porter autour de Jéricho pour en faire s’effondrer les murailles, mais c’est bien l’arche les contenant. Et il y a là quelque chose qui pourrait sembler étonnant : Dieu cherche habituellement à épurer les signes de sa puissance afin d’en mieux manifester l’origine : c’est ainsi qu’il commanda à Gédéon de ne monter à l’assaut de Madian qu’avec un petit nombre d’hommes ou qu’il envoya David, un jeune berger, terrasser d’un simple tir de fronde le plus féroce des philistins. Il choisit pourtant de cacher d’humbles tables de pierre, sceau de son alliance, dans un somptueux coffre de bois précieux recouvert d’or et de faire de ce signe la gloire de son peuple.

Mais en réalité, il y a là une façon de procéder que l’on connaît bien quand on médite la Parole de Dieu. Les sages du monde proclament tous : « quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt » ; et bien Dieu attire justement ici notre regard vers le doigt, vers ce qui est évidemment secondaire, afin de débouter les savants, car personne ne vit plus jamais les tables de la loi une fois qu’elles furent mises dans l’arche. Le motif de l’alliance se porta ainsi vers le contenant mais, en réalité, de cette façon, il put se porter vers le vrai signe de l’alliance, qui est la Parole de Dieu et non des pierres.

Et bien Dieu fait la même chose dans le Nouvelle alliance. En attirant notre regard, par la Tradition de l’Église, vers la Mère, il ne nous détourne en rien de son Fils mais, au contraire, il nous donne un regard plus vrai sur lui. En regardant Marie, c’est Jésus que nous contemplons, c’est lui qui nous illumine à travers elle ; et ça, c’est vrai pour tous les saints. Mais il y a, de plus, quelque chose de propre à Marie, qui vient du lien spécifique qu’elle a avec Jésus. Parce qu’elle est la mère de Jésus, la dévotion mariale est en elle-même une proclamation de l’incarnation, et cela va bien au-delà d’une simple théorie.

C’est parce que Jésus s’est fait homme qu’il a réellement pu accomplir la rédemption de toute l’humanité, qu’il a réellement pu mourir sur la Croix et que sa résurrection est une vraie preuve à la fois de sa divinité et à la fois qu’il n’était pas un mirage. C’est parce que Jésus était un vrai homme car vraiment né d’une vraie femme que Dieu nous a vraiment rejoint dans tout notre être de chair et d’esprit, et que sa présence parmi nous n’est pas une vue de l’esprit, mais a quelque chose de concret. La sainte Vierge révèle quelque chose de la gloire de Dieu, de sa puissance et de sa bonté, elle ne le masque pas par une enveloppe qui n’est, en réalité, pas inférieure à la dignité divine, puisque Dieu a daigné la faire sienne.

« Le Puissant disperse les superbes et élève les humbles », dit Marie à Élisabeth dans son cantique d’action de grâces ; l’Esprit de Dieu se cache aux intelligents de ce siècle mais inspire les petites gens. On trouve, par ailleurs, des théologiens brillants pour soutenir à peu près n’importe quelle thèse, de la plus orthodoxe à la plus farfelue, mais on ne trouve pas parmi eux de grand dévot à la sainte Vierge qui ne soit pas aussi de fait en accord avec les thèses assumées solennellement par l’Église. Et alors que nous célébrons le jour où l’humble petite Marie de Nazareth a été élevée avec son corps et son âme plus haut que tous les anges, jusqu’au sanctuaire de Dieu, comme un signe grandiose dans le ciel manifesté à la face de tous les superbes de ce monde pour confondre leur orgueil, ce signe vient nous rappeler que le Seigneur « se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères » : promesse d’hériter nous-aussi, par le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, des richesses de la grâce, et d’entrer dans la sainte cité du ciel.

Amen.



Vitrail de la cathédrale Notre-Dame de Paris



ORDONNANCE DE SA MAJESTÉ LE ROI LOUIS XIII

— Extraits —

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

Dieu qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l’esprit qu’il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial, et de notre personne, et de notre état, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne, sans y voir autant d’effets merveilleux de sa bonté, que d’accidents qui nous pouvaient perdre. Si les plus grandes forces des ennemis de cette couronne se sont ralliées pour conspirer sa ruine, Dieu a confondu leurs ambitieux desseins pour faire voir à toutes les nations que, comme sa providence a fondé [ce pays de France], sa bonté le conserve et sa puissance le défend.

Tant de grâces si évidentes font que nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l’accomplissement des mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du fils de Dieu en notre chair, de nous consacrer à la grandeur de Dieu par son fils rabaissé jusqu’à nous, et à ce fils par sa mère élevée jusqu’à lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et tous nos sujets, pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte-Trinité, par son intercession, et de toute la cour céleste par son autorité et exemple. Nos mains n’étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables, et c’est chose bien raisonnable qu’ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces.

À ces causes, nous avons déclaré et déclarons que prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et [tous les français], la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et de défendre avec tant de soin notre pays contre l’effort de tous ses ennemis, que, soit qu’il souffre du fléau de la guerre ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés en ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de la cathédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne dans ses bras celle de son précieux Fils descendu de la Croix, et où nous serons représentés aux pieds du Fils et de la Mère comme leur offrant notre couronne et notre sceptre.

Nous exhortons tous les Sieurs archevêques et évêques de France, et néanmoins leur enjoignons, que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, ils fassent faire commémoration de notre présente déclaration à la grand’messe qui se dira dans les églises de leur diocèse, et qu’il soit fait une procession, avec pareille cérémonie que celle qui s’observe aux processions générales les plus solennelles.

Et d’autant qu’il y a plusieurs églises qui ne sont pas dédiées à la Vierge, nous exhortons les dits archevêques et évêques, en ce cas, de lui faire dédier la principale chapelle de ces églises, et d’y élever un autel avec un ornement convenable, et d’admonester tous nos peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, afin que, sous une si puissante patronne, la France soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu’elle jouisse largement d’une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement que Nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons été créés.

Car tel est notre bon plaisir.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février, l’an de grâce mil six cent trente-huit, et de notre règne le vingt-huit.