Nous fêtons conjointement, ce dimanche, les saints apôtres Pierre et Paul. L’Église, en effet, n’a pas voulu séparer dans la sainte liturgie ceux qui furent unis pour son édification ; unis à la fois par leur vie d’apôtre, mais encore par leur mort en martyrs. Les textes évangéliques lus aux deux messes de cette solennité nous donnent à comprendre deux aspects du charisme de Pierre, sur lesquels je voudrais attirer votre attention.
Dans le passage que nous lisons à la messe du jour, tiré de l’évangile selon saint Matthieu, Jésus interroge les disciples : « Qui est le Fils de l’homme ? », demande-t-il ? Et les disciples répondent de façon assez détachée : « les uns disent ceci, les autres disent cela », un peu comme s’ils rapportaient les propos des uns et des autres, sans s’être fait leur propre opinion. C’est pourquoi Jésus renchérit : « Pour vous, qui suis-je ? ». Et là, c’est Pierre qui se lève et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ». Pierre n’était peut-être pas le plus docte des apôtres, mais il était certainement le plus croyant : « Heureux es-tu – ajoute Jésus – car c’est mon Père qui t’a révélé cela », comme s’il disait : « ce que tu as dit, tu ne l’as pas appris par la science des hommes, mais tu l’as appris par une grâce qui t’a été faite : la grâce de la foi ».
La foi, en effet, n’est pas une connaissance livresque, ce n’est pas un exercice d’érudition. La foi, c’est avant tout un don qui nous est fait par Dieu. Saint Paul en est un bel exemple : lui, l’hébreu fils d’hébreu, lui qui perpétuait la tradition de ses pères, comme il le dit aux Galates, lui qui avait lu tous les docteurs, il demeura incroyant jusqu’à faire une rencontre sur le chemin de Damas. La foi, c’est une rencontre personnelle avec Jésus : nous ne sommes pas une religion du livre, nous sommes la religion du Verbe fait chair. Cette rencontre, certes, se peut faire de nombreuses façons, et a toujours quelque chose de mystique, mais est bien réelle.
À travers les textes saints, Dieu nous parle. Il ne parle pas seulement à ses contemporains, il ne lance pas seulement ses mots dans le vide de l’histoire : il s’adresse à chacun d’entre nous, pour nous donner l’occasion d’une rencontre. Mais il ne nous force jamais : il nous invite, et attend notre réponse libre.
Pierre, s’il fut croyant, ne fut pas toujours fidèle. Par trois fois, il renia le Christ dans la nuit de sa Passion. Après la résurrection, au témoignage de Jean – c’est / c’était l’évangile de la messe de ce / hier soir – Jésus demanda à Pierre s’il l’aimait. « Mais oui Seigneur – s’exclama Pierre – tu sais bien que je t’aime ! », un peu comme s’il était vexé de la question. Certes, Jésus savait bien que Pierre l’aimait, et qu’il l’aimerait, désormais, jusqu’au bout, jusqu’à l’offrande de sa propre vie : c’est ce qu’il lui annonce, à mots couverts, à la fin du passage que nous avons lu. Si Jésus pose la question à Pierre, et par trois fois, ce n’est pas parce qu’il ignorait la réponse, c’était plutôt pour que Pierre lui-même en soit convaincu.
Il n’y a pas, en effet, d’amour qui ne soit pas en acte. Aimer sans vouloir poser des actes d’amour, c’est une illusion. On croit souvent que l’amour est un sentiment : c’est faux. L’amour est un acte : c’est l’acte de la volonté qui poursuit le bien que l’on connaît comme tel. Même si l’amour n’est pas séparé de notre affectivité, évidemment, pour être vrai, il doit être rationnel. On aime ce que l’on comprend être aimable.
Or, c’est la foi qui nous ouvre à la connaissance de Dieu et c’est la charité qui nous fait poser des actes concrets cohérents avec cette connaissance. Il n’y a pas de foi véritable qui ne s’exprime par des actes. Pierre et tous les martyrs ont donné le témoignage suprême de l’offrande de leur propre vie. Chacun de nous est également invité à offrir sa vie à Dieu, qui, lui, donna la sienne pour nous.
« M’aimes-tu ? » ; cette question posée à Pierre nous est aussi posée. Nous ne sommes pas tous appelés au martyre, mais nous sommes tous appelés à donner notre vie, d’une façon ou d’une autre. Quand nous venons à l’église, nous donnons notre temps. Quand nous prions, nous donnons notre temps. Quand nous méditons, nous donnons aussi notre esprit. Quand nous pratiquons les œuvres de charité, nous donnons nos biens. Toute notre vie doit être une offrande faite à Dieu, une offrande d’amour.
Imaginez dans un couple, Monsieur ou Madame qui demande à l’autre s’il l’aime. Oui ? Alors pourquoi ne passes-tu pas de temps avec moi ? Pourquoi ne me fais tu jamais de cadeau ? Pourquoi ne me parles-tu même pas ? Pourquoi ne fais-tu jamais rien pour moi ? Ce n’est pas que l’amour réside dans tel ou tel acte particulier, mais il réside bel et bien dans les actes concrets que nous posons.
La charité couvre une multitude de péchés. Comme saint Pierre et saint Paul, nous sommes tous pécheurs et nous faisons tous des erreurs. À l’exemple de saint Pierre, puissions-nous tous être aussi des confesseurs de l’amour de Dieu, afin d’obtenir sa miséricorde.
Amen.