Nous fêtons ce dimanche la très sainte Trinité, c’est-à-dire le mystère de ce qu’est Dieu : un Dieu unique, mais en trois personnes. « Tel est la foi catholique – proclamait saint Athanase – : vénérer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes ni diviser la substance ». Contempler ce mystère, c’est une œuvre qui doit orienter toute notre vie de chrétien : il n’y a pas de mystère plus grand que celui-là, qui touche à l’intimité de l’être-même de Dieu. Contempler ce mystère, toutefois, ne doit pas nous faire peur : son immensité n’est pas là pour nous écraser, mais pour nous inviter, nous inviter à vouloir toujours l’approfondir.
La solennité que nous célébrons ce dimanche a quelque chose de très particulier : elle n’est pas la mémoire d’un évènement qui s’est déroulé dans le temps, comme le sont les fêtes de Noël, de Pâques, de l’Ascension, ou de la Pentecôte ; aujourd’hui, nous fêtons une réalité qui est au-delà du temps. Mais si notre Dieu unique en trois personnes n’est pas borné par le temps, la fête de ce dimanche, elle, s’inscrit dans un temps précis, au sein de l’année liturgique. Elle s’inscrit précisément au moment où nous apprêtons à entrer dans le temps liturgique principal de l’année : le temps « per annum », ou temps « ordinaire », car on ne sait pas trop comment l’appeler autrement, caractérisé par la couleur verte ; plus précisément : dans la seconde partie de ce temps car nous avons déjà vu un peu de vert après l’épiphanie et avant le début du carême, si vous vous souvenez bien. Qu’y a-t-il à comprendre de cela ?
La fixation de cette date pour cette fête, en réalité, a quelque chose de tout à fait trivial : elle vient de la dévotion de saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, martyr anglais du XIIe siècle, qui avait institué cette fête dans son diocèse en mémoire de son ordination épiscopale, qui avait eu lieu en 1162, le dimanche après la Pentecôte. Mais qu’y a-t-il à comprendre dans le fait que l’Esprit saint, qui anime l’Église, ait suscité, ou au moins permis, que soit retenu cette date pour célébrer dans l’univers catholique tout entier ce mystère ?
Le temps ordinaire, qui s’ouvre, en réalité, n’est pas un temps de seconde importance, sorte de plage horaire vide qu’on ne sait pas trop comment remplir, ou qu’on se réserve pour toute éventualité. Le temps « per annum », c’est le temps de l’Église qui se propage à travers le monde et à travers les époques. C’est le temps qui passe après la venue de Jésus dans le monde, après sa Passion et sa résurrection, après son Ascension, et après le don de l’Esprit aux apôtres le jour de la Pentecôte. C’est le temps que nous vivons réellement, c’est le temps de notre sanctification. Or, le fait de devenir saint, le fait de vouloir faire résider en nous la grâce de Dieu, c’est déjà un don de Dieu tout entier, c’est une œuvre de la Trinité, et c’est pourquoi il est tout à fait opportun qu’après avoir parcouru, depuis l’Avent, les mystères de la vie du Sauveur, le mystère de l’être même de Dieu nous soit donné à contempler comme un phare qui vient nous guider dans la route qui s’ouvre devant nous.
La méditation du mystère de la Trinité nous invite à prendre la route de la sainteté, car c’est ce mystère que nous sommes appelés à contempler dans l’éternité du Paradis. La lumière de la Trinité nous pousse à nous faire pèlerins. Pèlerins non pas de quelques jours, mais de toute la vie. Nous marchons, ici-bas dans l’obscurité, vers la lumière de ce mystère.
Obscurité du mal qu’il y a dans le monde, obscurité de nos faiblesses, de nos limites. Nous sommes toujours, en cette vie, dans une certaine détresse. Mais « la détresse, nous le savons, – proclame audacieusement saint Paul aux Romains, c’était la deuxième lecture – la détresse produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas ».
L’espérance, c’est cette disposition qui nous fait non seulement désirer le ciel, mais encore attendre de Dieu les moyens dont nous avons besoin pour y parvenir. Être guidé dans l’obscurité, c’est déjà une grâce que nous fait Dieu pour y parvenir. Et c’est parce que l’espérance porte avant tout sur Dieu, et non sur nos propres forces, qu’elle ne peut pas décevoir.
Dieu veut que nous soyons sauvés, et il nous donne les moyens qu’il nous faut pour cela, même si ce ne sont pas toujours ceux que nous demandons ou attendons. La méditation du mystère de la Trinité, du mystère de la génération éternelle du Fils et de la procession du Saint-Esprit, est ce qu’il y a de plus sublime qui puisse être donné à notre âme.
C’est un mystère de don et d’envoi : le Père nous envoie son Fils, Jésus nous envoie l’Esprit, qui « nous conduit dans la vérité toute entière » – selon la parole du Christ rapportée par saint Jean – c’est-à-dire qui nous ramène vers Dieu. La Trinité se donne à nous pour que nous allions à elle. Mystère du Dieu vivant et de son amour pour les hommes : le Tres-haut nous envoie son Fils et se révèle notre Père ; le Christ exalté dans la gloire nous donne son Esprit en qui nous le louons !
« Béni soit Dieu le Père, et le Fils unique de Dieu, ainsi que le Saint-Esprit » ; c’était l’antienne d’ouverture de cette messe, et ce sont les mots qu’il faut placer chaque jour sur notre bouche tandis que nous sommes conduits dans l’espérance, vers le jour où nous pourrons contempler ce mystère face à face.
Amen.
Prière des fidèles :
Ô Seigneur, notre Dieu, toi dont la Sagesse emplit le temps et l’espace, donne-nous, par ton Esprit, d’avoir part à cette Sagesse ; fais de nos âmes le réceptacle de ta grâce afin de n’avoir toujours à cœur que l’espérance de pouvoir un jour te contempler dans ta gloire.
Ô Seigneur, notre Dieu, toi qui as couronné l’homme de gloire et d’honneur, et l’a établi comme chef de toute la création – ainsi que le chante le psalmiste – fais de chacun de nous des intendants fidèles des œuvres de tes mains ; que pour respecter l’ensemble de la création, l’homme commence par se respecter lui-même, en ce temps où le Parlement élabore une loi criminelle sur l’euthanasie.
Ô Seigneur, notre Dieu, toi qui nous as révélé à la fois le mystère de ta Trinité et celui de ton indissoluble unité, que la contemplation de ces mystères soit la joie et la quête de toute notre vie ; que ton Esprit nous conduise des ténèbres de l’admirable lumière du Père que le Fils a annoncée.
Ô Seigneur, notre Dieu, qui a fait de l’homme le coopérateur et le gardien de la création, veille sur les travaux de notre église ; par l’intercession de saint Christophe, de saint Louis et de sainte Christine, que les ouvriers qui y œuvrent avancent promptement dans l’accomplissement de leur tâche et que leur travail pour restaurer ton saint temple participe à l’édification de leurs âmes.