Voilà enfin venu le temps que tant parmi nous attendons depuis longtemps ! Ce jour, en effet, marque un tournant ! Pour beaucoup, il est le plus beau jour de l’année, c’est pourquoi il était attendu avec tant d’impatience ! Aujourd’hui, nous avons l’impression de recommencer à respirer, nous avons l’impression qu’une lumière nouvelle se lève sur toute notre vie et qu’une joie oubliée, à tout le moins perdue depuis longtemps, réchauffe nos cœurs. Ce dimanche, en effet, c’est l’été !
Et avec l’été viennent, bien sûr, les vacances. « Vacance », c’est un mot qui vient du latin « vacus », qui signifie : « vide ». On dit, par exemple, d’un poste non pourvu, dans une entreprise ou une administration, qu’il est vacant. La notion nécessairement corolaire à la vacance, c’est l’absence : « Vous cherchez quelqu’un ? Ah, il n’est pas là, il est en vacances ! ».
Les vacances, c’est le temps bien mérité de la détente et du repos après le travail, certes. Mais c’est aussi le temps de la tentation de l’oisiveté qui nous fait non pas profiter du temps qui nous est donné, mais au contraire le perdre, en nous attirant parfois vers le néant dont nous avons été sortis par la création, la rédemption, et notre marche vers le Royaume des cieux que nous entreprenons personnellement par notre vie spirituelle. Nous sommes, en effet, des pèlerins. Des pèlerins non de quelques jours mais de toute la vie. Nous sommes des chercheurs de Dieu, des veilleurs, des quêteurs de sa présence.
Dieu, en effet, est présent. Il n’est pas absent. Il n’est pas un grand architecte de l’univers qui, de l’olympe, regarde d’un œil satisfait et complaisant le monde qu’il a créé pour s’amuser. « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimé », a dit Jésus à sainte Angèle de Foligno : non ce n’est pas pour rire, c’est pour faire ton bonheur au prix de ma propre vie ; ce n’est pas la même chose.
Dieu se donne à nous, il se donne pour nous. Dans l’évangile, nous voyons les disciples du Christ en douter : « renvoie cette foule – disent-ils à Jésus – qu’ils se dispersent, il n’y a rien pour eux ici ». Mais Dieu a toujours quelque chose pour nous, lui, le pain vivant qui est descendu du ciel, le pain des anges, le vrai pain des enfants de Dieu, comme nous l’avons chanté dans la séquence, avec les mots de saint Thomas d’Aquin.
« Frères – annonce saint Paul aux Corinthiens – j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : “Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi”. Après le repas, il fit de même avec la coupe. Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ».
En participant à l’Eucharistie, en effet, nous nous inscrivons à la fois dans la rédemption du genre humain par la Passion du Christ, et dans l’attente du retour du Christ, que ce soit par notre Pâque personnelle ou celle du monde. En participant à l’Eucharistie, nous célébrons la bonté du Très-haut qui se fit tout petit enfant pour vivre et mourir parmi nous, et qui continue à se faire pain pour demeurer avec nous. En célébrant l’Eucharistie, nous célébrons le mystère de la présence de Dieu.
Notre Dieu est un Dieu proche. Mais d’une proximité qui ne nous force pas, sinon elle nous écraserait de sa majesté. C’est pourquoi il convenait que cette présence soit cachée, afin qu’elle soit librement recherchée. La vue, le toucher, le goût sont incapables de rendre compte de cette présence, comme le chante encore le Docteur angélique dans son cantique « Adoro Te devote » : seule l’ouïe nous la fait comprendre. Si nous croyons à la réalité de la présence de Dieu dans le sacrement de l’Eucharistie, c’est par fidélité à sa parole.
Croyons donc que Jésus a toujours quelque chose à nous offrir, à nous donner : il est là pour nous combler. La solennité de la Fête-Dieu nous rappelle quelle piété il faut avoir pour la réalité de la présence de Dieu dans le plus grand des sacrements : mystère de la présence perpétuelle de Dieu au sein du Peuple qui marche à sa rencontre.
La célébration de la messe n’épuise pas cette présence, qui demeure dans le tabernacle. Dieu nous y attend, sa présence y attend la nôtre, son cœur ouvert y attend le nôtre. Que ce temps de vacances ne soit pas un temps d’absence pour Dieu ! Lui reste présent ! Les aumôneries, les différents groupes qui soutiennent notre vie spirituelle vont connaître une période de pause, ou du moins de ralentissement. Que la méditation des mystères de ce jour nous invite à redécouvrir la présence aimante de Dieu parmi nous, caché dans le secret des tabernacles, livré pour nous.
Amen.