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Homélie pour le dimanche des Rameaux (C)

 Avec un remarquable élan poétique, le prophète Isaïe nous donne à contempler ce dimanche la figure du disciple. Le disciple dont il parle, c’est bien entendu le Christ ; et la lecture de la Passion, que nous venons de faire, nous le donne bien à comprendre : le parallèle est frappant, entre la prophétie d’Isaïe sur les outrages qu’aurait à subir le disciple du Seigneur, et ceux que Jésus a effectivement subis.

Mais Isaïe parle encore du disciple que nous sommes tous, nous-mêmes, appelés à devenir. Nous sommes appelés à nous rendre dociles à la parole du Seigneur, qui éveille lui-même l’oreille du disciple ensuqué. Les lectures de la semaine dernière, mettant en rapport la vie d’Abraham et celle de Jésus : le socle de l’Ancienne alliance et celui de la Nouvelle, n’avaient d’autre but que montrer la parfaite réalisation des promesses faites par Dieu au père des croyants dans la personne de Jésus. L’Alliance nouvelle et éternelle ne révoque pas l’Ancienne : l’Ancienne alliance n’est pas abolie : elle est accomplie. Les différents passages de l’évangile de Jean, lus la semaine dernière, montrent bien la séparation entre ceux qui adhèrent à cet accomplissement et se font disciples de Jésus, et ceux qui s’obstinent contre cet accomplissement, et se font ses ennemis.

Ces textes nous mettent en garde contre l’obstination du cœur et de l’esprit ; le disciple se caractérise, au contraire, par sa docilité. Tous nos efforts de Carême, quels qu’ils soient, pourraient avoir ce seul objectif : nous rendre dociles à la parole de Dieu, pour faire de nous de parfaits disciples de Jésus. L’abondance de confort et de richesses, ainsi qu’un amour propre déréglé, nous durcissent le cœur et raidissent la nuque ; dompter nos passions par une saine tempérance, donner à ceux qui ont besoin, offrir notre temps à la prière, tout cela vient faire de nous des disciples un peu moins imparfaits, avec l’aide de Dieu.

La grande lecture de la Passion place justement sous nos yeux une très belle figure de disciple, sur laquelle je voudrais nous inviter à porter notre attention en ce début de la Semaine Sainte. Ce n’est pas une des « vedettes » de l’évangile qu’on croise à tout bout de champ : ce n’est pas un apôtre, ni un des grands interlocuteurs de Jésus, ni l’une des saintes femmes qui suivaient le Seigneur partout où il allait. Nous savons simplement qu’il était plutôt influent dans la société de son temps, l’évangile le passe toutefois presque entièrement sous silence. Joseph d’Arimathie était, en effet, disciple de Jésus. Et même s’il était riche, semble-t-il, l’histoire ne lui permit même pas de posséder son nom, puisque quand on parle d’un Joseph, dans l’évangile, ce n’est pas à lui qu’on pense en premier lieu.

Pourtant, en ce dimanche des Rameaux, ce Joseph a beaucoup à nous apprendre. Il était, nous l’avons dit, un simple disciple parmi tant d’autres ; il avait une certaine situation parmi les hommes, comme il peut arriver à l’un ou l’autre d’entre nous d’en avoir une de part sa situation professionnelle, sa fortune, l’histoire de sa famille, ses relations, etc. mais parmi les disciples, il était simplement un parmi les autres. Joseph d’Arimathie, en quelque sorte, c’était le fidèle chrétien lambda : il était là, il ne faisait rien de particulier, sinon suivre fidèlement mais discrètement le Christ, et pourtant, au sommet de l’évangile, au moment où se joue le salut du monde, il tint une place remarquable que l’on peut considérer, à l’approche des solennités pascales et des rites qui les entourent, comme un modèle de dévotion eucharistique. La communion à l’occasion des célébrations des fêtes de Pâques, en effet, est particulièrement importante ; non seulement pour ceux qui n’ont pas une pratique religieuse régulière, mais encore pour tous les fidèles, qui trouvent là un motif de renouveler leur ferveur.

Joseph, qui était un homme connu, repousse la crainte mondaine en se montrant ouvertement un disciple de celui que la foule a fait mettre à mort. Il prie, en demandant à Pilate le corps du Seigneur. Il pratique l’ascèse du corps en travaillant à se dresser en haut de la croix, en arrachant les clous qui retenaient Jésus, et en le descendant délicatement. Il pratique l’ascèse dans les richesses en achetant lui-même un linceul : un grand drap, d’une seule pièce, qui a certainement eu un coût élevé, par amour de Jésus. Et il offrit comme une partie de son propre corps, en accueillant Jésus dans un tombeau qu’il avait fait creuser pour lui-même, comme s’il voulait l’héberger pour l’éternité.

Ce sont ces mêmes attitudes qu’il nous faut cultiver pour recevoir l’eucharistie : l’humilité, par les gestes de révérence convenables. La prière fervente, avec la confiance d’être exaucé. L’ascèse du corps par un jeûne convenable, une heure avant la communion, et une tenue correcte. L’ascèse dans les richesses, en contribuant matériellement à la vie de la paroisse, selon nos moyens. Et bien entendu, la pureté de cœur : le tombeau où le corps de Jésus fut accueilli n’avait pas encore été occupé ; notre âme, hélas, contient parfois un peu de pourriture : c’est le péché. Il faut donc, pour recevoir dignement Jésus, faire un grand ménage ! Pas de panique : Jésus nous donne les outils dont nous avons besoin : un nettoyant haute-pression qui fonctionne avec l’eau de la grâce : la confession dans le sacrement de la Réconciliation, qui ne laisse aucune trace de péché et rend notre âme blanche et pure, comme au jour de notre baptême, comme un refuge aménagé pour Jésus, taillé dans le roc de la foi.

La Semaine Sainte, qui commence ce jour, n’est pas une fin : c’est le début. C’est le début d’une ferveur renouvelée de notre vie sacramentelle, à laquelle tout le Carême nous a préparé, en bons disciples. Et c’est aussi l’occasion de mieux faire ce qui a peut-être été manqué : sollicitez auprès de vos prêtres le sacrement de la Pénitence ! Venez pleurer vos péchés ! Venez demander pardon à Jésus pour ne pas avoir toujours répondu à son amour. Ainsi vous vous ferez un cœur pur, avec la grâce de Dieu, et exulterez de joie au moment d’accueillir le Seigneur dans la blancheur de votre âme.

Amen.




Collégiale de la Nativité de la Vierge (Pignans, diocèse de Fréjus-Toulon)
Retable sur bois du XVe s., école d'Avignon