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Mercredi de la 2e semaine de l'Avent (C) : homélie pour des séminaristes

 Chers amis, alors que nous progressons dans le temps de l’Avent, je voudrais ce matin nous inviter à méditer quelques instants sur la spiritualité propre de ce temps de l’année liturgique, pour mettre à jour la similitude que l’on peut voir entre cette spiritualité et le temps de formation au séminaire.

L’Avent, en effet, est caractérisé par une attente : celle de l’avènement de Jésus dans notre humanité. En disant cela, nous pensons tout de suite au mystère de l’Incarnation, que nous fêterons, au terme de l’Avent, à Noël. En réalité, « la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ selon la chair », selon l’expression du Martyrologe romain, s’est déjà réalisée une fois pour toutes, il y a vingt siècles. L’attente que nous vivons réellement chaque jour, et dont le temps de l’Avent nous invite à prendre conscience d’une façon particulière, est l’attente d’un autre avènement de Jésus : c’est l’attente eschatologique du retour glorieux du Sauveur, de son ultime avènement, que nous appelons de nos vœux lors de l’anamnèse, après la consécration eucharistique. Et parce que cette attente, bien qu’elle soit pleine d’espérance, constitue néanmoins un horizon éthéré, car nous n’en connaissons ni le jour ni l’heure, elle peut sembler parfois irréelle et amener un certain découragement.

Découragement devant le mal à l’œuvre dans le monde, qui nous fait parfois supplier, avec le psalmiste : « Combien de temps encore, Seigneur ? Combien de temps ? ».

Mais pour combattre ce découragement, nous attendons un autre avènement de Jésus : son avènement mystique dans nos âmes, à chaque instant de notre vie, par sa grâce, donnée par les sacrements et par tous nos actes de charité. Cet avènement, nous le vivons en réalité quotidiennement lorsque nous nous appliquons à vivre en la présence de Dieu et lui préparons en nous une demeure. Cet avènement se fait dans le présent de chaque instant, dans la réalité de notre vie spirituelle. Dans un présent perpétuel, sans passé ni futur, par une grâce sans cesse renouvelée.

Et de là vient que l’attente de Dieu sur laquelle nous méditons pendant l’Avent, n’est pas celle de la mémoire d’un évènement passé, ni celle d’un évènement futur, mais plutôt celle d’un présent continuellement donné. On parle beaucoup de de cadeaux en ce moment : le présent que Dieu nous fait, c’est sa présence. L’attente de l’Avent, c’est l’attention à cette présence, c’est s’attendre à la trouver dans chaque moment.

Et c’est là que, pour des séminaristes, ces réflexions prennent un sens particulier. Vous vivez, chers amis, un temps de formation qui est long. Entrer au séminaire, ça a probablement été pour vous déjà tout un évènement et vous tournez probablement souvent vos regards vers le temps où ce parcours prendra fin – et ça peut être un parcours du combattant, du combattant spirituel, bien sûr. Mais en réalité, si vous vous demandez sans cesse ce que vous auriez fait si vous n’étiez pas entrés au séminaire, ou ce que vous ferez une fois ordonnés, vous cherchez à vivre dans le passé ou bien dans le futur, mais pas dans le présent. Et il ne faut pas croire que cette tentation disparaîtra avec l’ordination : nous avons tous des projets absolument géniaux à réaliser, le salut du monde en dépend ! Non, le salut du monde dépend de la grâce de Dieu ; or, le temps de la grâce, c’est le présent.

Le passé appartient à la Miséricorde de Dieu, le futur à sa Providence. Le temps de la grâce, c’est le présent.

C’est à vous, chers amis séminaristes, que s’adresse particulièrement Isaïe ce matin, lorsqu’il écrit : « les garçons se fatiguent et se lassent, les jeunes gens ne cessent de trébucher ». On se fatigue et on se lasse quand on compte trop sur nos propres forces, et pas assez sur la grâce de Dieu. On se fatigue et on se lasse – et même on trébuche – quand on fait des projets qui fixent trop les jours et les heures, comme si cela nous appartenait. « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur – poursuit Isaïe – trouvent des forces nouvelles ». Il y aura toujours de la fatigue, il y aura toujours des efforts à faire car pour permettre au Christ d’émerger en nous, il faut dompter le vieil homme. Mais avec la grâce de Dieu, le joug est facile à porter et le fardeau léger. Ce sont justement ces paroles de Jésus que peuvent répéter les prêtres au moment de revêtir la chasuble avant de monter à l’autel, comme vous les répéterez vous-mêmes, si Dieu le veut, en un temps qu’il connaît et qui lui appartient.

Le vide de la crèche pendant l’Avent nous amène à redécouvrir notre dépendance absolue à la grâce de Dieu, en même temps que notre pleine liberté à l’accepter, à l’exemple de Marie. Et c’est aussi ce que tout le temps du séminaire vous pousse à rechercher : l’admirable conjugaison du fait que « Dieu seul suffit », comme le disait sainte Thérèse d’Avila, avec le « fiat » fidèle de Marie.

« Posuerunt me custodem – ils m’ont choisi pour protectrice » ; Monseigneur T. nous a rappelé, samedi dernier, l’importance de se placer sous la protection de Marie et de vivre à son exemple. Puisse-t-elle toujours garder notre imagination du fantasme de tous les possibles et nous faire adhérer à la grâce de l’instant présent en répétant : « que ta volonté soit faite ».

Amen.