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Homélie pour le saint jour de Noël : « Afin de rendre témoignage à la Lumière »

 Voilà que cette nuit a éclaté dans l’obscurité du monde une lumière qui nous illumine et nous réchauffe. « Seigneur – c’est la prière d’ouverture de la messe de cette nuit – tu as fait resplendir cette nuit très sainte des clartés de la vraie lumière ».

« Tu as fais resplendir cette nuit très sainte ». La nuit, en elle-même – et surtout les nuits de ces derniers jours, agitées par le mistral – évoque plutôt le froid, l’obscurité, la solitude. C’était d’ailleurs la réalité de la nuit qui vit naître le Christ : une nuit au cours de laquelle Marie et Joseph étaient sans logis, au point que, dans leur détresse, ils ne trouvèrent refuge que dans une crèche. Rien à voir avec le cocon douillet que l’on se représente souvent ; rien à voir, a priori, avec un écrin de sainteté. Pourquoi alors, parler d’une nuit sainte, comme nous l’avons fait ?

La nuit, en réalité, cette nuit, n’est rendue sainte que par la lumière dont elle fut remplie. « Tu as fait resplendir cette nuit très sainte des clartés de la vraie lumière », « de la splendeur du sanctuaire qui brillait avant la première étoile ». La première caractéristique de la lumière qui a brillé cette nuit, c’est la vérité : cette lumière est vraie, et cette lumière, c’est le Christ, c’est Jésus : lumière, née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Et c’est lui, la source de toute sainteté. « La lumière brille sur nous aujourd'hui car le Seigneur nous est né, c'est une merveille à nos yeux », chantions-nous ce matin à la messe de l'aurore.

Il y a, dans l’obscurité du monde, de fausses lumières, des lumières de mensonge et de tromperie, qui nous font croire en de faux dieux. Les faux dieux, ce sont tous les absolus qui nous mènent à la destruction, au mépris de la personne humaine et de sa dignité, alors que le Fils de Dieu, lui, s’est fait tout petit, il s’est oublié lui-même, pour que nous soyons sauvés.

Jésus vient dans la lumière de la vérité, il ne vient pas pour être servi, ni pour se servir, mais pour servir ; non pour prendre, mais pour donner, pour se donner. C’est le contraire de la logique du monde, c’est une lumière que le monde ne voit pas. Nous sommes baignés dans la lumière du monde depuis quelques semaines, nous sommes éblouis de ses illuminations et étourdis de son agitation à vouloir fêter Noël… Sauf que dans sa frénésie, le monde a oublié d’inviter Jésus, et même l’a parfois volontairement exclu. Le Christ est le grand oublié de sa fête d’anniversaire ! Le monde qui nous entoure est ingrat et enlisé dans sa convoitise et son impiété, comme le dit saint Paul à Tite. La seule chose gratuite, pourtant, dans les célébrations de Noël, le seul lieu et le seul temps qui accueillent le riche et le pauvre comme des égaux, l’étranger et le voisin comme des frères, c’est la messe, c’est le don renouvelé de Jésus.

Et c’est normal : Jésus ne vient pas prendre, mais se donner ; il se donne gratuitement, et il se donne dans la vérité, comme une lumière portée sur le mystère de Dieu, comme le soleil qui illumine gratuitement tous ceux qui s’exposent à ses rayons.

« À bien des reprises, et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes », dit l’auteur de la lettre aux Hébreux. Dieu qui a parlé à nos pères par les prophètes, c’est tout l’Ancien testament : Révélation laissée depuis la création du monde jusqu’à l’avènement de Jésus. « En ces jours où nous sommes – poursuit la lettre au Hébreux – il nous a parlé par son Fils, rayonnement de sa gloire et expression parfaite de son être ».

Jésus est l’expression parfaite de l’être de Dieu, il est ce que Dieu dit de lui-même, à la façon dont un mot, un verbe, exprime notre pensée. Or, notre pensée reste secrète tant qu’elle est dans notre esprit et n’est pas communiquée, tant que notre parole n’est pas formulée. C’est pourquoi, pour se faire connaître, il fallait que le Verbe de Dieu vienne dans le monde, qu’il lui soit adressé.

Jésus vient nous parler, il vient nous dire quelque chose. Il n’est pas une parole morte couchée sur un morceau de parchemin craquelé et poussiéreux, il est une parole vivante. Aussi le Verbe ne s’est-il pas fait livre ; le Verbe s’est fait chair. « En lui était la vie, la lumière des hommes qui brille dans les ténèbres », dit saint Jean dans le prologue de son évangile. Jésus s’est fait homme habitant parmi nous pour nous rencontrer, pour nous toucher et pour nous illuminer, lui « la vraie lumière qui éclaire tout homme », « plein de grâce et de vérité ».

La grâce, c’est la réalité de la présence de l’amour de Dieu en nous ; la vérité, c’est le message du Christ. Jésus nous touche et nous conduit à sa suite dans sa lumière, c’est-à-dire par son enseignement et son agir. Son enseignement, c’est la bonne nouvelle du salut, déjà annoncé par le prophète Isaïe, ainsi que nous le lisons à la messe de ce jour. Son agir, c’est la réalisation de cette bonne nouvelle, c’est d’avoir donné sa propre vie sur la croix : c’est d’avoir eu part à la mortalité de notre humanité pour que nous ayons part à l’immortalité de sa divinité. Enseignement et agir du Christ qui sont propagés dans le monde présent par l’Église notamment à travers le catéchisme et les sacrements.

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres – dit le prophète Isaïe cette nuit – a vu se lever une grande lumière ». Comment recevons-nous cette lumière ? Que faisons-nous de la grâce qui nous a été donnée ? Détournons-nous les yeux, ou bien nous laissons-nous réchauffer par elle pour la transmettre à notre tour ? « Nous avons vu la gloire de Jésus – dit saint Jean – la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ». La vérité nous engage ; elle ne nous invite pas seulement, elle nous appelle. L’ayant connue, tout change. Nous qui avons été saisis par le Christ, touchés par sa grâce, tout change pour nous. Nous ne sommes plus ignorants, car les ignorants s’abritent sous leur ignorance, mais nous qui avons cru, derrière quoi nous cacherions nous ? Sous quel prétexte nous déroberions-nous ?

Noël, c’est la célébration d’une naissance. C’est la célébration de la naissance de Jésus, il y a vingt siècles ; mais c’est aussi la célébration de la naissance de sa grâce en nos âmes. Qu’en avons-nous fait ? Et qu’en faisons-nous à chaque instant ?

Jean l’évangéliste prend l’exemple de l’autre Jean, le baptiste, et dit qu’ « il est venu comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui ». Être témoins, ça n’est pas chercher à être vus ; au contraire, c’est chercher à diminuer pour faire croître le Christ, avant tout en nous, et dans notre prochain. Afin d’être de fidèles témoins de la lumière qui nous a saisi, apprenons à en être de fidèles disciples. En nous formant, en étant absorbés dans l’agir sacramentel et liturgique de l’Église, en nous plongeant dans le mystère que Jésus nous invite à contempler chaque année. En ces jours où « la lumière a brillé sur la Terre, que tous les peuples entrent dans la clarté de Dieu ».

Amen.