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Homélie pour le deuxième dimanche de l'Avent (C)

 L’une des caractéristiques principales du temps de l’Avent est l’attente, ou la préparation. On prépare, en effet, pendant l’Avent, les festivités de Noël ; et on SE prépare à fêter dignement la naissance de Jésus. C’est avec impatience que l’on attend la fin de l’Avent, et le moment où l’on pourra, enfin, se souhaiter un joyeux Noël, aux termes de ces quelques semaines passées à patienter.

L’Avent, en effet, nous plonge dans le mystère de l’attente qui caractérise tout l’Ancien testament : les hébreux attendaient, eux aussi, la venue de notre Sauveur, de Jésus. Mais eux, c’est pendant vingt siècles qu’ils l’ont attendu ! Alors, en union avec eux, nous pouvons bien patienter quatre semaines ! Ce temps, toutefois, nous ne sommes pas invités à le subir, de façon purement passive, comme un simple délai incompressible. En réalité, l’attente que nous vivons pendant l’Avent nous invite à être des acteurs, à ne pas nous figer dans une posture de passivité, comme pour attendre que ça passe, mais plutôt à nous saisir de ce temps d’attente pour nous préparer activement. C’est sur ce point que, avec les textes que nous offre la sainte liturgie ce dimanche, je voudrais vous inviter, chers amis, à méditer quelques instants.

Ce dimanche, en effet, s’ouvre le cycle des lectures évangéliques concernant la prédication de saint Jean-Baptiste. Et que dit le Baptiste ? « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ». Jean annonce la venue de Jésus, mais il ne dit pas : « installez-vous à l’ombre, servez-vous quelque chose à boire et attendez tranquillement ». Non, il nous dit plutôt : « le Seigneur approche, alors mettez de l’ordre dans tout le bazar qu’il y a ici ! »

La venue de Jésus, en effet, suppose une préparation. « Rendez droits ses sentiers » ; les sentiers, c’est-à-dire là où il va marcher. Et où est-ce que Jésus se rend ? Qu’est-ce qu’il vient visiter ? Est-ce que c’est la Terre sainte ? Il est déjà venu en Terre sainte, c’était il y a deux mille ans. Est-ce que c’est là qu’on s’attend à le voir revenir à Noël ? Non, évidemment. Jésus a assumé notre humanité une fois pour toutes : il s’est déjà fait homme, et il est remonté au ciel. Certes, il reviendra un jour dans la gloire, comme nous le proclamons dans le « Je crois en Dieu », et le Père seul connaît ce jour. Mais la venue de Jésus la plus prochaine que nous préparons, c’est sa venue dans nos âmes.

« Préparez le chemin, rendez droits les sentiers ». Au tout début de sa prédication, Jean le Baptiste nous invite à rectifier ce qu’il y a de tordu en nous, c’est-à-dire le péché. Mais saint Paul, quant à lui, nous parle de la « tendresse de Jésus » et de l’aide qu’il nous donne déjà. « J’en suis persuadé – dit-il – celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement ». Le beau travail commencé en nous, c’est celui de notre conversion, c’est-à-dire notre retour à Dieu. Ce travail a été commencé avec la réception du baptême, et il se poursuit avec tous les sacrements : l’eucharistie, que nous célébrons en ce moment, et qui nous donne la force d’aller de l’avant ; mais aussi la confession, pour demander pardon à Jésus de nos fautes, afin de mieux repartir, de reprendre de l’élan. La confirmation également, et j’invite tous ceux parmi vous ici qui n’auraient pas encore reçu ce sacrement si important à en parler à vos aumôniers. Et tout ce que l’ont fait de bien, toutes nos petites actions, tous ces petits gestes de charité cachés, participent à notre conversion et font grandir en nous la grâce.

Et celui qui a commencé tout ça en nous, celui qui est à la source de notre conversion, c’est Jésus lui-même. Ce n’est pas nous qui avons choisi Jésus, c’est toujours Jésus qui tourne son regard de tendresse vers nous le premier ; et nous, nous disons « oui ». Nous disons « oui » librement, mais nous disons « oui » à une invitation qui nous est donnée sans que nous ne la méritions jamais.

Et là, il y a quelque chose de très important à comprendre : c’est que, oui, nous avons à nous convertir. Que préparer la venue du Sauveur, ça demande un effort, un effort de conversion. Mais que dans cet effort, nous ne sommes pas seul : Jésus est déjà là et nous aide par sa grâce. La grâce, elle passe par les sacrements, mais elle passe aussi par notre vie de prière.

Dans le combat spirituel, en effet, que nous devons mener contre l’esprit mondain qui veut nous enliser dans la médiocrité, contre le malin qui cherche notre désespoir, mais aussi contre nous-mêmes, car nous avons tous nos faiblesses, nos fragilités et nos blessures, Jésus est là, à nos côtés, et ne nous laisse jamais seul. Par la bouche du plus grand des prophètes, qu’est saint Jean-Baptiste, c’est comme s’il nous disait ce dimanche : « laisse-moi faire, laisse-moi agir, ne mets pas de frein à ma grâce ; tout ce qu’il y a à corriger en toi, confie-le-moi, aplanis tes résistances, fais tomber tes barrières, crois en moi ».

« Dans ma prière – continue saint Paul – je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important ». Dans la lumière de la charité, en effet, c’est-à-dire de l’amour de Dieu et du prochain, les choses se voient sous un jour nouveau. Les difficultés s’aplanissent, les méandres de notre volonté propre sont rectifiés, les petites disputes ou les rancunes sont absorbées dans le feu de l’amour du Christ.

Le psalmiste nous parle de la joie qu’ont eu les juifs à retrouver leurs terres après des années d’exil : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! – Nous ne parvenions pas à y croire, c’était trop beau ! – Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie ». Un jour, chers amis, ces mots seront les nôtres ; nous sommes tous des exilés ici-bas, notre patrie, notre véritable chez-nous, se trouve dans les cieux. Quand viendra « l’achèvement » dont parle saint Paul, le « jour où viendra le Christ Jésus », cette joie des hébreux sera la nôtre. D’ici là, c’est de la venue mystique du Christ dans nos âmes : de sa venue mystérieuse, mais réelle bien que cachée, qu’il faut préparer l’avènement, par notre vie de prière, par notre vie sacramentelle, et par notre vie de foi, d’espérance et de charité.

Amen.