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Homélie pour le 4e dimanche de l'Avent (C) : « Voici, je viens »

 C’est le moment des annonces ! L’annonce, en effet, est le thème qui ressort de la plupart des textes de l’Écriture sainte que nous lisons ce dimanche.

La première lecture, tirée du livre du prophète Michée, annonce la naissance du Sauveur à Bethléem ; l’antienne d’ouverture de cette messe ainsi que l’antienne de communion, toutes les deux citant le prophète Isaïe, lui font écho : « cieux, distillez votre rosée », « que descende le Juste », « voici que la Vierge concevra, elle enfantera un fils ».

La prière d’ouverture de la messe de ce dimanche évoque l’annonce à Marie par l’archange Gabriel de la naissance de Jésus : « Seigneur, par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé ». Le verset de l’alléluia, avant l’évangile, quant à lui, rappelle la réponse de Marie à l’ange : « voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole ». Et alors que, en effet, nous nous apprêtons à célébrer dans quelques jours la naissance de Jésus, nous pouvons nous demander pourquoi c’est avec une telle insistance que les lectures de ce dimanche annoncent l’évènement historique que nous allons commémorer bientôt, comme si nous n’étions pas déjà au courant !

C’est que la réalité de l’incarnation de Jésus est nécessaire pour notre salut, et le comprendre nous permet de mieux comprendre également la joie qui doit nous animer en ces jours. L’enjeu de Noël, ce n’est pas simplement de faire mémoire d’un évènement passé, d’une importance culturelle certes considérable mais dont l’historicité serait, pour certains, quelque peu douteuse. L’enjeu des célébrations de la Nativité de Jésus est de proclamer haut et fort notre foi dans la réalité de l’incarnation du Fils de Dieu, comme plusieurs d’entre vous ont pu le faire en cette fin de semaine avec la mission paroissiale, proclamer haut et fort que le vrai Dieu s’est fait vrai homme.

Saint Paul l’avait dit aux Corinthiens : si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine ; a fortiori si le Christ n’est pas né. Pour que le Christ passe à travers la mort et nous entraîne avec lui dans la vie éternelle, il fallait qu’il naquît ; il fallait qu’il se fasse réellement homme afin que nous soyons réellement associés à lui. C’est ainsi qu’il y a un lien profond entre le mystère de Noël et celui de Pâques, entre ces deux temps clefs de l’année liturgique qui, tous deux, en manifestent l’unité dans le mystère du salut.

C’est ce qu’explique l’auteur de la lettre aux Hébreux, qui applique les mots du psaume 39 au Christ, en en assumant la portée messianique, comme si c’était les propres mots du Fils de Dieu au moment de prendre notre condition humaine : « tu m’as façonné un corps – dit-il au Père – voici, je viens ».

Le propos est ici de montrer l’aboutissement de l’Ancien testament et l’inauguration de la Nouvelle alliance : « il supprime le premier état de choses – dit la lettre aux Hébreux – pour établir le second ».

Quand une faute est commise, ou un dommage causé, il faut s’efforcer, autant que possible, de réparer ; et cette réparation suppose une certaine proportionnalité entre le dommage causé ou la faute commise, et l’acte de réparation. Or, il y a une disproportion entre l’offense faite à Dieu dans le péché, et les actes de réparation dont nous sommes capables en raison de la dignité divine de la personne offensée par le péché.

C’est pourquoi, sous le régime de l’Ancienne alliance – le premier état de choses, les sacrifices d’animaux réalisés au Temple étaient incapables de sauver du péché. La loi ancienne, en prescrivant tel acte en réparation de tel crime, n’accomplissait pas le salut du criminel mais l’aidait à prendre conscience de sa faute pour s’en repentir.

Sous le régime de l’Alliance nouvelle et éternelle – le second état de choses, en revanche, l’unique sacrifice est celui du Christ. Parce que le Verbe de Dieu s’est vraiment fait homme, son agir est un agir vraiment humain, dont nous sommes nous aussi capables. Et parce que Jésus est vrai Dieu né du vrai Dieu, son agir est vraiment divin et donc capable de nous sauver.

Voilà pourquoi le psaume repris dans la lettre aux Hébreux fait dire ceci au Fils, s’adressant au Père : « tu n’as voulu ni sacrifice, ni oblation, ni holocauste – c’est-à-dire les rites du Temple sous l’Ancienne alliance – mais tu m’as donné un corps, voici que je viens pour faire ta volonté », c’est-à-dire fonder une Nouvelle alliance entre Dieu et les hommes, en vue de leur salut et de ta plus grande gloire.

La volonté de Dieu, en effet, c’est que nous soyons sauvés. C’est la raison d’être de Jésus, le motif de sa venue dans le monde, comme nous le redirons dans quelques instants au moment de réciter la profession de foi : « pour nous les hommes et pour notre salut, il s’est fait homme ». L’évangéliste saint Matthieu nous apprend d’ailleurs que l’étymologie hébraïque du nom de Jésus, qui signifie : « Dieu sauve ».

L’enjeu de la réalité de l’incarnation, de la réalité de la vie humaine de Jésus, est donc celui de la réalité de la rédemption. « Le plus important, c’est d’y croire », entend-on parfois dire. Mais non, le plus important, c’est que ce soit vrai ; et parce que nous sommes face à un mystère, réel et vrai quoique nimbé d’une certaine obscurité malgré la révélation qui nous en est faite, nous adhérons à cette vérité dans la foi, c’est-à-dire non pas à la manière dont on acquiesce à un énoncé scientifique mais avec une certitude encore plus grande car fondée sur la révélation.

La prière d’ouverture de cette messe, qui est la même que nous disons à chaque fois que nous récitons l’Angélus, manifeste bien le lien qu’il y a entre le mystère de l’incarnation et le mystère pascal, en même temps que la nécessité de la révélation pour les approcher et notre dépendance radicale à la grâce. C’est cette dépendance à la grâce de Dieu que manifeste aussi le vide de la crèche, qui sera comblé dans quelque jours par l’enfant nouveau-né que nous attendons. Le vide que nous constatons actuellement, c’est celui de notre monde qui veut fêter Noël sans Dieu. À charge pour nous de le combler par une vie de foi toujours plus fervente, fondée sur une formation solide et animée par la joie d’être sauvés.

Amen.