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Homélie pour le 3e dimanche de l'Avent (C) : « Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut »

 « Soyez toujours dans la joie ! Je le redis : soyez dans la joie, car le Seigneur est proche. » Ces paroles de l’apôtre Paul aux Philippiens, faisant écho à celles du prophète Sophonie et qui sont reprises par la liturgie pour constituer l’antienne d’ouverture de cette messe, nous donnent l’esprit qui doit nous animer ce dimanche et, pour bien entrer dans cet esprit, il faut comprendre quelle joie doit être la nôtre alors que la moitié du chemin de l’Avent semble parcourue.

« Soyez dans la joie car le Seigneur est proche ». Faut-il simplement comprendre par là que la fête de Noël se rapproche ? Le Seigneur se rapproche-t-il de nous de façon proportionnelle à la progression des jours dans le temps de l’Avent, selon un plan parfaitement bien rodé depuis deux mille ans qui le fait arriver très exactement à nous, chaque année, le 25 décembre ? Mais alors, est-ce à dire qu’il s’éloigne ensuite, pour revenir l’année prochaine ?

En réalité, saint Paul ne dit pas : « soyez dans la joie car le Seigneur se rapproche », sous-entendu, il est plus proche aujourd’hui qu’il ne l’était hier et le sera de plus en plus ; l’apôtre des Nations juxtapose simplement ces deux assertions : le Seigneur est proche, soyons dans la joie. Et Sophonie fait de même, lorsqu’il dit : « poussez des cris de joie, éclatez en ovations, bondissez de joie de tout votre cœur, car le Seigneur a levé les sentences, il a écarté tes ennemis, le Seigneur est en toi ». Sophonie, pourtant, c’est un prophète de l’Ancien testament, un prophète d’avant la venue du Christ dans le monde, donc ; un prophète qui a vécu sept siècles avant Jésus. Comment se fait-il qu’il parle au présent, et même au passé, pour désigner un évènement qui, pour lui, est dans le futur ? Et comment se fait-il que Paul parle, de la même façon, au présent, pour désigner un évènement qui serait passé pour lui ?

C’est nécessairement parce que, tant Paul que Sophonie, ne parlent pas là directement de la naissance de Jésus dans notre chair ; ils ne désignent pas en premier lieu une réalité historique que nous célébrons – certes avec une grande joie – chaque année, ils désignent plutôt une réalité éternelle. Et cette réalité, le véritable motif que Paul et Sophonie donnent de la joie qui doit nous animer aujourd’hui, c’est que nous avons un Dieu proche. Un Dieu qui, certes, a manifesté cette proximité par l’Incarnation de son Fils, mais un Dieu qui a toujours été proche de son Peuple, depuis la création.

« Rendez grâce au Seigneur, chante Isaïe, annoncez aux peuples ses hauts faits, j’ai confiance, je n’ai plus de crainte, voici le Dieu qui me sauve ». Le Messie annoncé par les prophètes de l’Ancien testament a toujours été attendu comme un Sauveur : un envoyé de Dieu pour délivrer son peuple, et non pour régner sur lui en tyran. C’est pourquoi la venue de Jésus dans le monde est une bonne nouvelle ! Et c’est le sens du mot « évangile », tiré du grec, qui signifie « bonne nouvelle ».

Et puisque c’est une bonne nouvelle, il est juste de s’en réjouir. Voyez comme saint Jean-Baptiste prêche de façon équilibrée, et ne demande rien d’extravagant à ses disciples : collecteurs d’impôts, prenez ce qui vous revient mais n’extorquez rien sur quoi vous n’avez pas de droit ; soldats, ne vous servez pas injustement de votre autorité. Par sa prédication, le Baptiste annonce la proximité temporelle de Jésus, qui doit venir, en même temps qu’il professe sa proximité réelle déjà actuelle : « il vient, celui qui vous baptisera dans l’Esprit et le feu de la charité, et qui amassera les âmes pour la vie éternelle ; mais il tient déjà la pelle à vanner pour battre le blé et séparer ce qui tient de l’amour de Dieu et ce qui tient du péché. Convertissez-vous, le Seigneur est proche ».

Alors, poursuit saint Paul « ne soyez inquiets de rien, mais priez pour faire connaître vos demandes à Dieu », c’est-à-dire à la source-même d’où jaillit le salut. « Exultant de joie – ajoute Isaïe – vous puiserez les eaux de la grâce aux sources du salut », c’est-à-dire à la fontaine d’amour qu’est le Cœur de Dieu, ouvert sur la Croix par la lance du soldat.

La dévotion au Sacré-Cœur est très bonne pour cultiver dans notre esprit, dans nos foyers, dans notre pays, même, la présence de Dieu, par la paix qu’elle donne. Face à la source de l’amour ouverte pour nous, pour déverser sur nous les flots de la grâce, pour que nous y entrions et nous y cachions, tout est mis en perspective du mystère insondable de l’amour de Dieu.

« La paix de Dieu, qui dépasse tout ce que l’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus », termine saint Paul. La paix est le signe de la présence de Dieu, qu’il faut cultiver. Et cette paix donne la joie car, sous le regard de l’amour de Dieu, les peines de se monde ne s’effacent pas, mais prennent un sens nouveau. Dans le mystère du Cœur transpercé, la souffrance et la mort, qui paraissent comme un horizon indépassable et absurde, deviennent, associées au sublime mystère de la Croix, un passage vers la vie éternelle.

Avoir la foi, ce n’est pas simplement croire que Dieu existe, c’est encore croire qu’on existe pour Dieu. Soyons donc tous dans la joie, joie de nous savoir membres du Peuple des rachetés, baptisés dans l’Esprit et le feu à la suite de Jésus, joie de nous savoir enfants de Dieu, joie de nous savoir appelés à la vie éternelle. Tandis que la perspective des joies légitimes des fêtes de la nativité nous réchauffe le cœur, que la certitude acquise dans la foi d’avoir un Dieu proche de nous, pour qui nous comptons au point qu’il a donné sa vie pour nous, élève notre âme et notre regard vers la vie éternelle.

Amen.