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Homélie pour la fête de la Sainte-Famille

 L’antienne d’ouverture de la messe de ce dimanche replace sous nos yeux l’une des scènes offertes à notre méditation à Noël : « Les bergers vinrent et découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né ». Et bien entendu, à Noël, nous avons longuement contemplé cette figure de l’Enfant Jésus, couché dans la mangeoire : « Qu’il est beau, qu’il est charmant – avons-nous chanté – Ah, que ces grâces sont parfaites, qu’il est doux ce divin enfant ». La crèche qui l’entoure, ainsi que ses occupants, nous semblaient alors une évidence. Il faut dire que nous les contemplions depuis le début de l’Avent, la grande nouveauté de la nuit de Noël, c’est la venue du Fils de Dieu parmi les hommes.

Toutefois, ce dimanche, les textes de la liturgie nous invitent à porter notre regard, non seulement sur l’Enfant Jésus, qui grandit en sagesse, en taille et en grâce, mais encore sur ceux qui l’entourent. Jésus ne naquit pas absolument, au milieu de rien ; il vint au monde au sein d’une famille, entouré d’un père et d’une mère, qui ne se peuvent réduire à de simples moyens nécessaires, mais qui, eux aussi, nous disent quelque chose du mystère du Christ. « Notre Dieu est apparu sur la terre et il a vécu parmi les hommes », c’est l’antienne de communion que nous dirons dans un moment, et qui fait écho au prologue de l’évangile selon saint Jean, que nous avons lu à Noël. Nous sommes, en effet, en cette fête de la Sainte famille, invités à redécouvrir la présence de ce qui était jusque-là tout bonnement évident et qui pouvait échapper, par conséquent, à notre conscience.

Le passage du premier livre de Samuel que nous avons lu raconte la naissance du prophète et sa consécration au service de Dieu, dans le Temple. Dieu ne se sert pas, il ne nous force pas ; il donne, il se donne, et il attend que l’on s’offre à lui librement en retour. Nous voyons, dans ce texte, comment la famille est le lieu privilégié de la réalisation des promesses de Dieu. La bénédiction suprême, c’est le don des enfants, c’est le don de la vie. Et cela nous aide encore à comprendre le bienfait qui est accordé aux hommes par l’incarnation de Jésus, du propre Fils de Dieu.

Par son incarnation, Jésus devient notre frère en humanité, et il nous donne pour père son propre Père, afin « que nous soyons appelés enfants de Dieu », dit saint Jean ; c’était la deuxième lecture. Le don que nous fait Dieu appelle une réponse. Une réponse libre, car toute grâce est toujours donnée gratuitement, nous ne saurions jamais la mériter. Mais une réponse rendue toutefois nécessaire par l’amour duquel procède le don de Dieu. Si nous méprisons les grâces qui nous sont données, non seulement nous offensons Dieu, mais nous nous offensons encore nous-mêmes par l’ingratitude dont nous faisons preuve. C’est pourquoi tout péché nous rabaisse, nous dégrade nous-mêmes dans notre humanité, et c’est un mensonge du diable de croire le contraire.

La naissance de Jésus manifeste l’amour de Dieu pour les hommes. Le Verbe fait chair vient nous parler, il vient nous enseigner, comme il le fit parmi les docteurs du Temple. « Seigneur, ouvre notre cœur pour nous rendre attentifs aux paroles de ton Fils », c’est la prière que nous avons faites au moment d’acclamer l’évangile par le chant de l’Alléluia. Soyons attentifs aux paroles de Jésus et mettons-les en pratique par le respect des commandements, c’est ce à quoi nous invite encore saint Jean, en nous révélant le commandement suprême qui contient tous les autres : « mettre notre foi dans le nom de Jésus et nous aimer les uns-les-autres ; celui qui garde ces commandements – poursuit saint Jean – demeure en Dieu et Dieu en lui ».

L’amour n’est pas un sentiment abstrait, il s’exprime en acte, que ce soit, par exemple, dans notre fidélité à la sanctification des fêtes par notre assistance aux cérémonies religieuses, comme les juifs nous le montrent dans le passage de l’évangile que nous avons lu, ou bien par le respect que nous devons à nos parents, qui est aussi un impératif de la charité. Et dans l’ordre de l’exécution concrète des choses, il y a parfois des conflits ou des tensions qui apparaissent mais qui doivent être dépassées par l’unité de la charité.

C’est cela, la vie de famille. Joseph, le chef de famille, agit en obéissant aux instructions reçues en songe, par la médiation des anges. Marie, modèle de toute vie contemplative, garde dans son cœur tout ce qu’elle vit, même ce qu’elle ne comprend pas pleinement. Jésus, quant à lui, bien qu’étant le Fils de Dieu, grandit dans cette famille humaine en se soumettant à l’autorité de ses parents.

Le récit de l’évangile manifeste la tension qu’il peut parfois exister entre les membres d’une famille : Jésus, en restant dans le Temple, semble avoir causé de l’inquiétude à Marie et Joseph. Mais en les exerçant à la confiance, il nous donne à comprendre que chaque membre d’une famille est appelé à répondre à l’appel de Dieu, d’une façon qui lui est propre. Cela ne signifie pas rompre les liens familiaux, mais, au contraire, les sublimer dans la charité.

Par son incarnation, Jésus ne se donne pas seulement à nous comme frère, il nous donne aussi les uns aux autres par l’Église. Jésus fait de nous une famille, avec ses différents états de vie, avec ses différents charismes, avec les tensions qui en résultent, mais aussi la richesse qui en jaillit pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes.

Nous commémorons ce dimanche, avec la lecture de ce passage de l’évangile, la première fois où la parole de Jésus a retenti dans son Temple. Encore aujourd’hui, nous faisons retentir cette parole dans l’église, dans l’église avec un petit « e », ici ; mais aussi, partout ce dimanche, dans l’Église avec un grand « E ». Car c’est avant tout dans les cœurs des fidèles que l’évangile doit résonner afin qu’il porte du fruit, car l’Église est la famille de Dieu.

Comme dans la Sainte famille, l’Église connait différents états de vie, qui ont leurs exigences propres, mais qui concourent tous, dans la charité, à édifier le royaume des cieux. Puissions-nous donc trouver dans la Sainte famille de Jésus, Marie et Joseph le modèle non seulement de notre vie familiale, mais encore ecclésiale.

Amen.