Dans la prière d’ouverture de cette messe, nous avons parlé de l’Église comme « sacrement du salut ». C’est une expression employée par le second concile du Vatican, et qui a de quoi nous étonner.
Il y a, en effet, nous le savons bien, sept sacrements : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, le mariage, l’ordre et l’onction des malades… Oui, cela fait bien sept ! Quelle est la place laissée à l’Église dans le septénaire sacramentel ? Voilà que cette façon d’envisager l’Église comme un sacrement a de quoi nous étonner. Nous étonner, mais non nous effrayer ! Aristote affirme que l’étonnement et l’admiration sont le début de la philosophie. Je vous propose de prendre notre étonnement, ce matin, comme point de départ de notre méditation.
Le second concile du Vatican, dans la constitution « Lumen Gentium – la lumière des nations », dit que l’Église est « en quelque sorte » le sacrement du salut, car elle en le signe et le moyen. Nous avons lu dans le livre de l’Apocalypse que les fondations de la Jérusalem céleste, préfigurée par l’Église, portent le nom des douze apôtres. Dans la préface, que nous dirons dans un instant, avant la prière eucharistique, nous exprimerons cette vérité en nous adressant au Christ : « tu as fondé ton Église sur les apôtres ». En vérité, les fêtes des apôtres sont une occasion de méditer sur ce qu’il y a de fondamental dans l’Église.
Ces paroles de la sainte liturgie nous permettent donc de formuler ainsi la question à laquelle nous allons réfléchir : en quoi l’apostolicité de l’Église, c’est-à-dire sa fondation sur les apôtres – et non « par » les apôtres : l’Église est fondée « par » le Christ, « sur » les apôtres ; en quoi le fait que l’Église soit fondée sur les apôtres permet de parler de l’Église comme d’un sacrement ?
Le livre de l’Apocalypse, dont nous avons fait la lecture, ne laisse aucun doute sur l’identité entre la Jérusalem céleste et l’Église ; saint Jean, en effet, en parle comme de « l’épouse de l’Agneau ». Contempler le mystère de l’Église, c’est contempler le mystère du salut et de la vie éternelle ; voilà le signe dont parle le deuxième concile du Vatican.
Qu’en est-il alors des moyens du salut et de la vie éternelle ? Il s’agit, en premier lieu, des sacrements que nous avons énumérés, signes sensibles institués par le Christ pour faire naître, croître ou restaurer la grâce en nos âmes. Or, les sacrements sont dispensés par l’Église et dans l’Église.
Mais quel rapport avec les apôtres ? C’est que ce signe et ces moyens ont besoin d’être diffusés, propagés, pour être efficaces, c’est-à-dire pour produire leur effet : la bonne nouvelle du salut. Et la propagation de l’évangile, c’est précisément le rôle des apôtres, c’est pourquoi on parle « d’apostolat » pour désigner le fait de diffuser l’évangile. Bossuet donnait cette définition bien connue : l’Église, c’est l’évangile répandu et communiqué à tous les hommes.
Souvenez-vous de la vision de saint Jean : la cité céleste a douze portes, tournées trois par trois vers les quatre points cardinaux, pour bien signifier que l’évangile est offert à toute la Terre. Autrefois, dans la liturgie de la messe, nous lisions l’Ancien testament et les épîtres de saint Paul du côté est du chœur, pour signifier que ces textes avaient d’abord été adressés aux juifs, puis nous lisions l’évangile tourné vers le nord, pour signifier son ouverture à toutes les nations païennes.
Tenté de se détourner de Jésus, Pierre avait répondu : « à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». C’est à l’Église qu’a été confiée ce dépôt sacré par les apôtres pour qu’elle soit un signe, une lumière pour toutes les nations, et conduise à la vie éternelle. L’Église, par ailleurs, en offre les moyens : la sainte doctrine et les sacrements. C’est pourquoi il faut aimer l’Église, et ne pas supporter qu’on chercher à la salir.
Aujourd’hui, c’est la saint Barthélemy. Et à cause d’un jour de 1572 – c’est comme si c’était hier ! – voilà que l’on va certainement encore entendre n’importe quoi au sujet de l’Église, notamment qu’elle serait criminelle. Au XVIe siècle, catholiques et protestants formaient des partis politiques antagonistes, en raison de la place qu’avait la religion dans la vie publique à cette époque. Les conflits épouvantables qui agitèrent alors la France et l’Europe entière furent avant tout de nature politique, sous un motif religieux qui n’était certes pas anodin, mais qui ne fait pas de l’Église un belligérant. L’Église est le corps mystique du Christ : elle ne peut être réduite aux individus qui la composent, quoiqu’elle ne puisse pas non plus s’en séparer.
La sainteté de l’Église est un article du Credo, un article de notre foi, que nous allons proclamer ensemble dans un instant. Si on aime se déclarer chrétien, alors on doit aimer l’Église, même si elle peut parfois nous faire souffrir ; c’est par elle et en elle que nous serons sauvés, c’est la grâce qu’il faut demander aujourd’hui au Seigneur par l’intercession des saints apôtres.
Amen.