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Vendredi, 14e semaine "per annum" (B)

 Dans le livre d’Osée, il y a cette expression qui surprend toujours un peu : le prophète parle de la « colère » de Dieu. On est souvent scandalisé à l’idée que cette passion se puisse rencontrer chez celui que nous nommons pieusement le « Bon-Dieu » et, pour admettre l’emploi de ce mot dans l’Écriture sainte, plusieurs attitudes sont souvent adoptées.

La première consiste à dire que le langage biblique est métaphorique : Dieu ne se met pas vraiment en colère, c’est juste un anthropomorphisme : une façon de parler qu’adoptent les hommes afin de décrire une chose qui leur échappe avec leurs propres références. Une seconde attitude consiste à opposer un prétendu « Dieu vengeur » de l’Ancien testament au « Dieu d’amour » du Nouveau ; attitude qui conduit à rejeter l’unité des livres saints et la réalisation en Jésus de toute l’attente messianique d’Israël. Mais en réalité, méditer sur la colère de Dieu nous permet de mieux comprendre quel est son amour, et c’est sur ce point que je voudrais vous inviter à méditer quelques instants ce soir.

Dieu, en effet, au premier abord, condamne la colère : c’est un des péchés capitaux, c’est-à-dire une des sources de beaucoup d’autres. Il condamne la colère avant tout parce qu’elle mène au meurtre : Caïn se mit en colère et tua son frère Abel, aussi Jésus nous dit que celui qui est fâché contre son frère n’est pas digne de s’approcher de lui – et le frère ici n’est pas à prendre au sens strict du lien familial.

Mais on voit aussi parfois Jésus lui-même se mettre en colère : il chasse les marchands du Temple avec véhémence, il condamne les hypocrites, il maudit les impénitents. L’agneau de Dieu est bel et bien aussi le Lion de Juda ! Toutefois, la colère de Dieu n’est pas celle des hommes.

Chez les hommes, en effet, la colère est une passion qui peut échapper à l’emprise de la raison, donc ne pas être ordonné au bien et à la vérité. En Dieu, au contraire, il n’y a pas de passion, simplement un acte d’amour éternel ; ce que l’on nomme alors colère, c’est le juste châtiment du péché en vue de la conversion du pécheur, c’est toujours un acte d’amour et de miséricorde. C’est toujours un vrai châtiment – attention ! Mais en faisant connaître à son peuple sa colère, Dieu lui donne surtout à comprendre quel est le sort de ceux qui demeurent loin de lui, afin qu’ils reviennent à lui librement.

La confrontation à la colère de Dieu nous amène à envisager sa sainteté. Dieu est saint, trois fois saint, comme nous le disons à chaque messe, avant la prière eucharistique. « Pouvez-vous me confondre avec les idoles ? », demande Dieu par la bouche d’Osée. Les hommes ont tendance à se faire des dieux à leur image, sur qui ils projettent leurs propres sentiments et passions ; c’est l’avidité des hommes qui leur fait envisager l’insatiable besoin de sacrifice de leurs propres fantasmes. Mais « au lieu de taureaux – continue Osée – nous offrons [à Dieu] en sacrifice les paroles de nos lèvres », et nous, chrétiens, offrons encore le sacrifice pur et parfait de Jésus lui-même : victime que Dieu lui-même nous donne.

Notre Dieu ne veut rien de nous sinon l’hommage de nos cœurs, offerts librement. Et c’est pour que cette offrande soit vraiment libre que Dieu, par les châtiments – ou leur récits – nous fait comprendre quel est le sort de ceux qui refusent l’amour : sécheresse de cœur, conflits de nos passions, désolation de tout notre être. Dieu n’a rien à gagner à vouloir que nous l’adorions, mais étant parfaitement bon, il tend à se faire connaître pour se faire aimer.

La colère de Dieu est donc une vraie colère, mais là où, chez les hommes, elle peut être une passion destructrice, en Dieu, elle est un des témoignages de son amour en vue du salut du monde.