Chers amis,
Quoique nous lisions, dans l’église, ce dimanche, l’évangile de la parabole du grain tombé en terre qui doit mourir pour porter du fruit, les paroisses dans lesquelles seront baptisés des catéchumènes dans la sainte nuit de Pâques sont invitées à méditer, ce dimanche, sur l’évangile de la résurrection de Lazare.
Voilà probablement l’un des miracles les plus manifestes de Jésus, d’une part du fait de la grandeur de l’œuvre opérée : la résurrection d’un mort, d’autre part car les faits se passent aux portes de Jérusalem, devant un grand nombre de témoins, dont beaucoup ne suivaient pas encore Jésus ; c’est pourquoi l’évangile précise à la fin que de nombreux juifs qui étaient là pour consoler Marie et Marthe de la perte de leur frère virent ce que Jésus avait fait et crurent en lui à partir de ce moment. Ce miracle intervient alors que Jésus est sur le point d’entrer solennellement dans Jérusalem pour y vivre sa Passion, entrée que nous commémorerons dimanche prochain. La résurrection de Lazare se présente donc comme une étape cruciale pour le peuple de Dieu : Jésus se révèle au plus grand nombre et permet à ceux qui ne croyaient pas encore en lui de se lancer à sa suite, tandis qu’il laisse, par la grandeur du miracle opéré, ses ennemis sans excuse.
L’évangile que nous avons lu nous met, en effet, face à un choix : acceptons-nous, oui ou non, que Jésus est réellement le Fils de Dieu, Dieu lui-même, réellement fait homme pour notre salut, historiquement mort sur la croix, historiquement ressuscité pour que nous ayons la foi ? Ce choix, chers amis, peut nous sembler trivial, à nous qui sommes ici. « Ah ben bien sûr qu’on y croit ! – Pourrait-on me répondre – Sinon on ne viendrait pas à la messe ! » La question, pourtant, n’est pas dénuée de sens.
Par la bouche du prophète Jérémie, Dieu dit la chose suivante : « Voici venir des jours où je conclurai une alliance nouvelle. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : ‘Apprends à connaître le Seigneur !’ »
L’Ancienne alliance, en effet, reposait sur un héritage : l’héritage d’une pratique que les juifs recevaient de leurs pères, en mémoire des promesses faites à Abraham et en mémoire de la libération du peuple hébreux de sa servitude en Égypte. Il y avait des juifs pieux et d’autres qui l’étaient moins – l’Écriture sainte ne manque pas d’exemples dans l’une ou l’autre catégorie ! – mais l’appartenance à la religion abrahamique était surtout une affaire culturelle, pas tellement un choix personnel.
Et il en va – hélas – parfois de même pour nous, chrétiens, lorsque nous accomplissons les œuvres de la religion : venir à la messe, dire le chapelet, faire tel ou tel pèlerinage, etc. œuvres bonnes en elles-mêmes, mais qui, accomplies par habitude reçue de notre milieu d’origine ou même contractée par nous-mêmes dans notre vie passée, ne témoignent pas d’une réelle foi dans le Christ. Comment, en effet, croire que le Christ est une personne réelle, vivante, et présente à nous par la grâce, sans avoir de dialogue avec lui, sans avoir de relation personnelle avec lui, mais en ayant pour seule motivation religieuse la force des habitudes ?
Certes, nous avons beaucoup reçu de ceux qui nous ont précédé dans la foi, sur tous les plans ; même dans les choses les plus concrètes : le seul fait de se trouver sous les voutes tricentenaires de cette église, par exemple, en témoigne. Et nous devons remercier nos ancêtres de nous avoir transmis cet héritage, qui fait notre gloire. Mais quoique toutes nos pieuses habitudes sont bonnes en elles-mêmes et doivent être préservées, il faut aussi être conscients qu’elles ne porteront réellement du fruit que si elles sont, à chaque fois, choisies personnellement par nous pour l’amour de Dieu.
En accomplissant, ce dimanche, une étape de plus dans leur cheminement vers le baptême, les catéchumènes de notre paroisse, comme tous les autres, seront invités à dire « oui » à Dieu. Avec eux, chers amis, nous sommes tous invités à renouveler notre adhésion au Christ.
Proclamer la foi, ce n’est pas adhérer à une lettre morte, à des formules répétées machinalement. Adhérer au Christ, c’est proclamer que le Verbe de Dieu est une personne vivante, présente au milieu de nous, avec qui nous pouvons vivre une véritable relation, c’est-à-dire une communication réciproque. Dans le « Miserere », le psaume 50, nous disons « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché » ; ne te contente pas d’oublier ou même de pardonner nos péchés, mais efface-les. Dieu agit envers nous.
Il est vrai que parfois, la présence de Dieu n’est pas évidente : « si tu avais été ici – déplorèrent Marie et Marthe – mon frère ne serait pas mort ». La foi, c’est-à-dire l’adhésion à quelque chose qu’on ne voit pas, est un défi, mais c’est justement parce qu’elle est un défi qu’elle est une occasion de mérites : « Oui, Seigneur, je le crois – dit Marthe – tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Voyez comme Jésus se laissa toucher : il se mit à pleurer. C’est le seul passage de l’évangile dans lequel on le voit pleurer ; sa propre Passion lui extirpa une sueur de sang, mais pas une larme. Jésus se laisse toucher par nos prières.
Au moment où les catéchumènes de notre paroisse s’apprêtent à faire un pas de plus vers le baptistère, nous sommes invités à les accompagner par notre prière et, spirituellement, avec eux, nous souvenir des promesses de notre propre baptême, que nous renouvellerons la soir de la vigile pascale. Puisse ce renouvellement ne pas être que des mots, mais être également, avec la grâce de Dieu, un renouvellement de notre esprit, comme le Seigneur nous l’a promis sous la plume du prophète Ézéchiel et sous celle de saint Paul : « Je mettrai en vous mon esprit – dit-il – et vous vivrez », vous vivrez pour l’éternité.
Amen.