Nous fêtons aujourd’hui la chaire de saint Pierre. Pour comprendre en quoi cette fête est importante au point de primer sur une férie de carême, il convient, tout d’abord, de savoir de quelle chaire nous parlons, puis de nous pencher sur la signification spirituelle de cette fête.
Le mot chair-E a plusieurs sens.
Au sens premier, il désigne un siège un peu surélevé, d’où l’on enseigne. Il désigne ensuite la tribune d’où le prédicateur s’adresse aux fidèles pour prononcer l’homélie. Nous n’en avons plus dans cette église et c’est dommage car au-delà de l’aspect commode que ça avait autrefois quand les églises n’étaient pas sonorisées comme elles le sont aujourd’hui, il y a une belle signification spirituelle au fait de recevoir la parole depuis les hauteurs, ça informe les fidèles sur le fait que ce qu’ils entendent n’est pas un discours commun mais parle de Dieu, et ça pousse aussi le prédicateur à réfléchir au fait que ce qu’il va dire ne doit pas être trivial mais rendre compte de la dignité qui lui fait mériter d’être ainsi élevé. C’est aussi pour ça qu’on a cette tradition que j’aime bien conserver, vous l’aurez remarqué, de commencer l’homélie par le signe de la croix, comme pour signifier que ce que l’on va dire s’inscrit dans l’ordre du salut, mais aussi pour pousser le prédicateur, qui sait qu’il va devoir commencer ainsi son propos, à se demander si ce qu’il va dire a un rôle à jouer dans le salut des âmes. Et quand le prédicateur redescend, il est amené à se souvenir que lui aussi a besoin d’être enseigné, et qu’un autre montera plus tard et qu’il lui faudra aussi l’écouter.
Au sens figuré, ensuite, la chaire désigne la charge d’enseigner, par exemple : la chaire universitaire. Et le sens figuré s’est séparé du sens propre, les professeurs d’université, titulaires d’une chaire, n’ont pas de siège particulier sur lequel s’asseoir. Le sens propre et le sens figuré ne se rencontre donc plus… sauf… Et oui, sauf pour l’épiscopat.
La fonction d’enseigner fait, en effet, partie intégrante de la charge épiscopale et les évêques jouissent du privilège de prêcher assis en signe d’autorité ; tandis que nous autres, pauvres clercs inférieurs, devons nous tenir debout. Peut-être pour nous apprendre à ne pas être trop longs.
Dans le rite de l’ordination épiscopale, il y a ce moment où le nouvel évêque est conduit, par le prélat qui préside la cérémonie, jusqu’à sa cathèdre, c’est-à-dire son siège, sa chaire, sur laquelle il s’assoit, en signe de prise de possession de son diocèse. C’est de ce trône, en effet, qu’il gouverne le diocèse, c’est là qu’il s’installe pour célébrer la messe et sanctifier la portion du peuple de Dieu à lui confiée, mais c’est aussi de là qu’il prêche, qu’il enseigne, par sa parole, les vérités qui conduisent au salut.
En célébrant, aujourd’hui, la fête de la chaire de saint Pierre, installée d’abord à Antioche, puis à Rome, nous sommes donc invités à demander à Dieu non pas la grâce pour le successeur du Prince des apôtres de rester fidèle à la foi, le Christ lui-même ayant fait cette prière, comme nous l’avons lu dans l’évangile. Nous sommes plutôt invités à méditer sur le fait que c’est nous qui avons besoin de prier pour rester fidèles, et qu’un signe de cette fidélité, c’est notre attachement au siège romain. La foi est un don, mais un don qu’il faut entretenir, un peu comme une petite bougie qui nous est confiée dans la nuit de ce monde, lumière qu’il faut, certes, exposer pour qu’elle se répande, mais qu’il faut aussi savoir protéger contre les courants d’air, et Dieu sait que le mistral souffle parfois fort !
La foi est en même temps une doctrine et une vertu, un contenu intelligible et une disposition à adhérer à ce contenu, c’est-à-dire à croire. La doctrine s’entretient par la formation et la vertu par la prière et en évitant les occasions de pécher. Il peut être bon, en ce début de carême, de faire le point non seulement sur notre vie de prière et notre vie ascétique – je pense qu’on vous l’a déjà dit – mais il est bon aussi de profiter de ce temps pour se former ; il y a de nombreuses formations proposées dans la paroisse ou ailleurs, le carême semble être le bon moment pour en profiter.
Amen.