« Ignorer l’Écriture sainte, c’est ignorer le Christ », dit saint Jérôme dans son commentaire sur le livre du prophète Isaïe. Or, dit quant à lui saint Thomas d’Aquin, les psaumes à eux seuls renferment toute l’Écriture ; autrement dit : les psaumes sont comme un condensé de tout le mystère du Christ. On comprend, dès lors, en quelle estime il faut avoir ces textes que nous entendons souvent, mais sur lesquels nous ne méditions certainement pas assez, si nous voulons progresser dans l’intimité avec Jésus.
Le Docteur angélique ajoute que les psaumes contiennent toute la « matière générale » de la théologie, c’est-à-dire que tous les principes de la doctrine sacrée s’y trouvent exposés. Que faut-il entendre par là ? Chanter les psaumes, c’est un peu comme chanter toutes les œuvres de Dieu (s. Denys l’Aréopagite, la Hiérarchie céleste), comme pour y répondre. Réponse à la création par l’action de grâce et la louange (savoir dire merci), réponse à la providence par la supplication (demander ce dont on a besoin), réponse à la rédemption par la propitiation (demander pardon pour nos fautes), réponse à la gloire de Dieu par l’adoration. Ce sont toutes ces œuvres qui sont accomplies par le chant des psaumes, et c’est donc à bon droit que l’Église place le psautier sous les yeux et sur les lèvres de ses membres qui prient en son nom l’Office divin, en union avec la prière continuelle qu'offre au Père éternel le Verbe qui s’est fait chair.
Remerciement, demande de grâce, demande de pardon, adoration. Nous retrouvons dans ces quatre éléments les quatre fins du sacrifice. Admirons un instant l’écho que trouve dans les psaumes le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait. La prière des psaumes est déjà une dévotion eucharistique, non pas seulement parce que ces mots nous unissent au Christ mais encore parce que par eux nous célébrons, d’une façon éloignée, son sacrifice et notre rédemption qui s’accomplit par lui.
Admirons encore l’admirable échange qui se joue dans les psaumes : tandis que les œuvres de Dieu nous vivifient, voilà que, par les mots que Dieu lui-même nous a donnés, nous faisons monter vers lui une prière continuelle, telle l’eau qui se répand sur la terre depuis les montagnes et les cieux, tandis que l’ardeur de notre charité, elle-même don du Très-haut, la fait s’évaporer et remonter vers les nuées.
Et les psaumes ne fournissent pas que la matière de notre vie spirituelle, mais encore l’animent. On ne dit pas les psaumes pour prier : les dire est en soi une prière – comme le “Notre-Père” ou le “Je vous salue Marie” – et nous fait grandir dans notre vie théologale : vie de foi, d’espérance et de charité. Quand nous louons Dieu par les psaumes, nous vivons d’une foi affermie par l’admiration de la création, qui sert à démontrer l’existence de Dieu elle-même, comme le dit saint Paul aux Romains. Lorsque nous confessons que nous sommes pécheurs, et demandons à Dieu les secours dont nous avons besoin, nous témoignons de notre espérance. Quand nous acclamons la gloire de Dieu et son infinie sainteté, nous proclamons qu’il n’est rien de meilleur que lui et irradions ainsi de charité. Enfin, lorsque nous nous soumettons avec confiance aux dessins de la providence, nous faisons œuvre de justice.
Et, sous un certain rapport, on peut en effet dire que la pratique de la justice vient couronner notre vie chrétienne ici-bas. Non parce que la justice est la plus grande des vertus : cette place revient à la charité, comme le dit saint Paul aux Corinthiens. Mais parce que dans l’ordonnancement du monde matériel, ce qui donne le plus de proximité avec Dieu, c’est sans doute l’harmonie et la paix, qui sont le fruit de la justice, dont l’acte propre consiste à vouloir rendre à chacun ce qui lui revient. Le fait d’être rassasié, c’est-à-dire de ne manquer de rien, est justement la béatitude promise aux justes par Jésus dans le sermon sur la montagne ; et à ceux qui seront persécutés pour cela, Jésus promet encore le royaume des Cieux lui-même. Les justes, en effet, sont ceux qui, en voulant sans cesse rendre à Dieu ce qui lui revient, veulent tout disposer selon sa volonté.
Nous pourrions parler des heures sur la place des psaumes dans notre vie spirituelle ; je voulais vous dire tout cela comme une introduction et aborder ensuite avec vous le fait que la sainte liturgie, en ce début de Carême, vient mettre sur nos lèvres les paroles du tout premier psaume, qui vient comme introduire tout le psautier, en même temps qu’il introduit à l’esprit du temps liturgique qui s’ouvre. Mais rassurez-vous, je n’irai pas plus loin ce soir !
Les psaumes tiennent, dans l’Écriture sainte, une place très particulière, notamment parce qu’ils entretiennent un lien spécial avec l’eucharistie. Ils ont donc, dans notre vie spirituelle, tout comme dans la liturgie, une place tout aussi spéciale, au sujet de laquelle il faut méditer sans cesse.
Amen.