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Jeudi de la 1e semaine de l'Avent (B)

 Nous voici donc entrés dans le temps de l’avent, et tandis que nous cheminons dans l’attente de la fête de Noël, il peut être opportun, au début de ce temps liturgique, qui est aussi le début d’une nouvelle année liturgique, de nous interroger sur le sens de l’avent. Quel est ce moment que nous vivons ?

Chaque année, en effet, c’est la même chose : nous avons l’impression de recommencer quelque chose. Il y a eu ce long temps ordinaire, dont nous avons égrené les dimanches en vert jusqu’à n’en plus finir, depuis la fête de Pentecôte, comme on égrène les grains d’un interminable chapelet et puis, ah, enfin ! Il y a eu la fête du Christ-Roi et le début d’une nouvelle année, comme un grand recommencement. Nous pouvons, en effet, avoir parfois l’impression de tourner en rond. Et il est vrai que, matériellement, il y a un recommencement du cycle liturgique, années après années. Mais il faut, pour bien comprendre le sens du cycle liturgique, conjuguer cette circularité horizontale avec une espèce de linéarité : le temps qui passe nous rapproche inéluctablement de notre propre achèvement.

Comme le mystère pascal, mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, est au centre de l’année liturgique, il faut être conscient que nous sommes comme nous-mêmes appelés à vivre ce mystère pour nous-mêmes et suivre Jésus à travers la mort, et connaître dans notre chair la résurrection que nous professons dans cette vie présente à travers la vertu d’espérance. Le temps qui passe à travers le cycle liturgique doit être vu comme une préparation à la fin de notre propre temps, le temps qui nous est donné ici-bas pour nous disposer à recevoir le salut.

Il y a donc fondamentalement une progression à considérer dans la façon dont nous vivons le cycle liturgique de l’année : en plus de son déroulement purement cyclique et répétitif, il faut lui ajouter une dimension de progrès vers notre propre Pâques, vers la vie éternelle.

Ainsi, notre vie liturgique, notre vie spirituelle qui se déploie à travers le culte que nous rendons en Église à Dieu ne prend pas tellement la forme d’une éternel recommencement circulaire, dans un cercle fermé, mais plutôt la forme d’une spirale ascendante, semblable à celle que décrit un aigle au-dessus d’un champ de blé en été pour s’élever vers le ciel. Chaque année, chaque cycle liturgique est unique, bien qu’ils se ressemblent tous, à la manière dont chacune des marches d’un escalier est nécessaire alors qu’elles se ressemblent pourtant toutes : en manquer une stopperait net notre ascension et serait même peut-être l’occasion d’un sévère retour en arrière.

Sans cette considération, on ne peut pas bien comprendre ce temps de l’avent ; on ne peut pas bien comprendre dans quel temps il se situe et nous situe. Les lectures du livre du prophète Isaïe que nous faisons depuis dimanche, en effet, et qui culminent avec la prophétie de l’Emmanuel : « voici que la Vierge concevra et enfantera un fils », semblent plutôt nous ramener dans le passé. L’avent, c’est bien connu, c’est l’attente de la venue du sauveur dans le monde, c’est la commémoration du temps de l’Ancien testament.

Mais voilà, l’évangile de dimanche dernier, lui, est le récit de Jésus qui parle de la fin des temps à ses disciples, comme pour la fête du Christ-Roi ; il nous situe donc fondamentalement dans l’avenir, et même : dans l’avenir ultime. Comment le comprendre ? Comme toujours, il faut revenir aux fondamentaux, et l’un d’eux : c’est l’étymologie. Alors je vais faire un peu le prof’, vous savez que j’aime bien ça.

Le mot « avent » ne désigne pas seulement ce qu’il s’est passé « avant » la venue de Jésus, sinon on ne l’écrirait pas avec un E entre le V et le N, mais avec un A. « Avent » vient du latin « ad-ventus » : « ce qui doit venir » ; c’est de là qu’est également tiré le mot français « avènement ». L’avent, c’est le temps de l’avènement, qui aboutit donc au don de la présence de Dieu. Or, il y a trois avènements de Jésus, comme l’enseignait saint Bernard dans un sermon que nous avons lu hier à l’office des matines. J’en profite pour vous signaler que, si seuls les clercs et les religieux sont tenus par l’obligation de la liturgie des heures, tous les fidèles laïcs sont vivement invités à s’y associer d’une façon qui leur convient ; c’est le canon 1174 § 2 du Code de droit canonique ! Lire le passage de l’Écriture sainte et l’homélie patristique que nous avons à l’office des lectures, qu’on disait autrefois tôt le matin, c’est pourquoi on appelle traditionnellement cet office les « matines », peut être un bon moyen de vous associer à la prière que l’Église fait inlassablement monter vers Dieu. Fin de la parenthèse !

Il y a donc trois avènements de Jésus. Le premier est celui qui a eu lieu dans le temps et l’espace, il est clairement situé : c’était à Bethléem, au temps de l’empereur Auguste : c’est l’avènement selon la chair. Puis il y aura un second avènement du Christ, dans la gloire cette fois, dont nous ne connaissons ni le jour ni l’heure ; c’est lui que nous appelons de nos vœux à la messe, après la consécration, lorsque nous disons : « nous attendons ton retour dans la gloire ».

Voilà l’avènement passé, celui selon la chair, et futur : celui dans la gloire. Qu’en est-il du présent ? Le Christ advient dans le présent de façon mystique, c’est-à-dire selon un mystère : le mystère de la grâce. La grâce, c’est la présence en nous de l’amour de Dieu, et la grâce nous est donnée principalement par les sacrements. Au baptême, nous avons fait naître en nous la présence de Dieu, par la confirmation nous la confortons, par la confession nous la retrouvons, si nous avons eu le malheur de la perdre, par l’eucharistie, nous la faisons croître.

Le temps de l’avent semble donc être le moment idéal pour faire le point sur notre pratique sacramentelle. Depuis combien de temps ne me suis-je pas confessé ? Y a-t-il quelque chose dans ma vie qui mette un obstacle à l’amitié entre Jésus et moi ? Chaque instant est unique. Tandis que nous nous apprêtons à célébrer dans la joie l’avènement de J2sus selon la chair, appelons de nos vœux son avènement dans la gloire, et préparons-y nous par son avènement mystique dans les sacrements.

Amen.