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Commémoration de tous les fidèles défunts

 La mémoire que nous faisons en ce jour, de tous les fidèles défunts, est à rapprocher de la fête de la Toussaint, que nous avons célébrée hier. La fête de tous les saints, en effet, est là pour nous rappeler qu’en plus de tous les saints connus et reconnus comme tels par le discernement de l’Église, et qui ont été élevés à la gloire des autels, il se trouve une multitude innombrable, comme le dit saint Jean dans le livre de l’Apocalypse, que nous avons lu hier ; la multitude du peuple de Dieu, la multitude dans laquelle nous sommes appelés à entrer en vertu de notre baptême, et dans laquelle se trouvent déjà, nous l’espérons, tant et tant de nos proches qui ont quitté ce monde. Mais parmi eux, il s’en trouve qui ne sont pas encore parvenus à la béatitude.

Il a donc toujours été en usage, dans l’Église, de prier pour les défunts ; on trouve cet usage déjà décrit dans l’Ancien testament, au livre des Maccabées, lorsque nous voyons un des chefs des juifs faire collecter et envoyer au Temple de Jérusalem deux mille pièces d’argent afin que soit offert un sacrifice expiatoire pour les péchés de ceux qui avaient quitté cette Terre. Les chrétiens eurent donc, dès l’origine, l’habitude d’offrir le sacrifice de la messe, le sacrifice pur et saint, le sacrifice parfait, qui nous réconcilie avec Dieu, afin que les fidèles défunts soient accompagnés vers l’éternité dans laquelle ils ont été aspirés, pour les aider à se détacher de ce monde et ouvrir leurs yeux à la lumière sans déclin.

C’est au Xe siècle, dans la congrégation de Cluny, c’est-à-dire dans les monastères bénédictins de France, sous l’abbatiat de saint Odilon, qu’apparut en occident l’usage de consacrer spécifiquement le lendemain de la fête de la Toussaint à la prière pour soutenir les défunts qui sont encore en chemin vers le ciel. Autrefois d’ailleurs, ces deux moments liturgiques que sont la célébration de la gloire des saints du ciel et la mémoire de ceux qui nous ont quitté étaient intimement liés puisque, le soir de la Toussaint, après avoir chanté les vêpres solennelles de cette fête, nous chantions immédiatement les vêpres des morts, manifestant ainsi le lien qu’il y a entre ces deux jours, entre ces deux moments liturgiques.

Ce lien, en effet, c’est l’idée qu’il existe autour de nous tout un monde invisible, et un monde d’une grande richesse, d’une grande diversité. « Je crois en un seul Dieu – disons-nous en professant la foi – créateur de l’univers visible et invisible ». Il existe, en effet, un univers invisible, mais invisible ne signifie pas absent, ou détaché : il y a de nombreuses choses invisibles auxquelles nous sommes pourtant intimement liés, et dont nous dépendons absolument, comme l’air que nous respirons, par exemple, qui nous entoure tous, que nous ne voyons pas, qui nous lie pourtant les uns aux autres comme une chose que nous partageons, et dont nous ne pourrions être privés sans connaître quelques graves inconvénients !

Cette union qu’il y a entre chacun de nous et le monde invisible qui nous entoure, et même cette union qu’il y a entre chacun de nous ici-bas, par le monde invisible, c’est le mystère de la communion des saints.

Nous formons tous, en effet, un seul corps, dont le Christ est la tête. Nous sommes tous un membre à part entière de ce corps : il y a des membres plus éminents que d’autres, certains sont plus visibles, certains semblent parfois plus utiles, mais nous sommes tous membres à part entière de l’Église, de l’unique Église du Christ, qui est son corps mystique, dans laquelle nous avons tous une place et un rôle à jouer. Le plus petit des orteils et la plus grossière des articulations sont pourtant nécessaires à l’équilibre et au fonctionnement de tout le corps. Et tout comme le corps humain est unifié par son sang, qui circule dans tous ses membres, dans tous ses organes, pour le vivifier, le corps mystique du Christ, qu’est l’Église, est vivifié par son sang, son sang répandu lors de sa Passion, et qui est encore répandu de façon mystérieuse dans les sacrements. Ce sont les sacrements, en effet, qui sont le principe d’unité de toute l’Église, formés de l’ensemble des baptisés – le baptême étant le premier des sept sacrements.

Mais le sacrement de l’unité par excellence, c’est plus spécifiquement encore celui de l’eucharistie. Le sacrifice de la messe nous rassemble ici, physiquement, il est une occasion de nous réunir, comme ce soir, et il opère la même réalité dans le monde invisible. Quand nous célébrons le saint sacrifice de la messe, Dieu se rend présent au milieu de nous ; ce faisant, il attire à lui toute la cour céleste, formée de tous les saints, et il attire aussi toutes les âmes du purgatoire qui viennent chercher près de l’autel le soutien dont elles ont besoin pour se détacher de ce monde et entrer parfaitement dans l’autre.

La messe rassemble l’ensemble de l’Église dans ses trois dimensions : l’Église militante, que nous constituons ici-bas vous et moi, l’Église triomphante, composée de tous les saints qui forment la cour céleste, et que nous avons célébrée hier, et l’Église souffrante, dont nous faisons mémoire en ce jour. Voici les trois aspects de la même et unique Église, de l’unique corps de Jésus-Christ, dont l’unité se fait dans son corps sacramentel qu’est l’eucharistie.

Voilà pourquoi nous devons nous rassembler, comme ce soir, autour de l’autel, autour du lieu du sacrifice, autour de la table eucharistique, pour prier pour les défunts. D’une part car ils sont ainsi rendus présents réellement avec nous, d’autre part car ils reçoivent ainsi ce à quoi ils aspirent le plus : la manifestation de la gloire de Dieu sur Terre dans la célébration du mystère de son corps et de son sang, s’ils sont déjà au ciel, et la consolation de sa présence s’ils sont encore en chemin.

Et parce que les défunts qui sont au purgatoire, c’est-à-dire sur le chemin de la séparation d’avec notre monde, qui les conduit au ciel, et sur lequel ils doivent se détacher de tout ce qui n’est pas Dieu, ont besoin du secours de la grâce mais ne peuvent rien pour eux par eux-mêmes, il est une si bonne et si sainte pratique de prier pour eux. Nous prions pour eux par les différentes dévotions que nous avons : dire telle ou telle prière, offrir un petit sacrifice, etc. Mais encore et de façon plus excellente, nous prions pour les défunts en offrant pour eux le sacrifice parfait de la messe. C’est pourquoi, des des funérailles, nous collectons des offrandes pour que des messes puissent être célébrées.

« J’ai demandé une chose au Seigneur – chante le psalmiste – c’est d’habiter tous les jours dans la maison du Seigneur ». Si nous voulons rejoindre la demeure du Père éternel, apprenons à aimer fréquenter la maison du Seigneur ici-bas, lui qui nous invite à son repas et se livre ainsi déjà à nous, et sachons aussi offrir ce repas, qui est un avant-goût de la vie éternelle, à ceux qui en ont le plus besoin, eux qui s’apprêtent à voir bientôt Dieu face à face.

Amen.




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