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22e dimanche du temps ordinaire (A)

 C’est la rentrée !

La rentrée est le moment par excellence des bonnes résolutions : on cherche, en effet, à partir du bon pied dans cette nouvelle année scolaire ou professionnelle qui commence. On veut de bonnes relations avec nos nouveaux collègues, comme avec les anciens, on veut de bonnes notes ou de bons résultats, on ne veut plus reproduire les erreurs que l’on a pu commettre par le passé. La rentrée est donc le moment idéal pour reconsidérer également, et même avant tout, le rapport que nous avons avec Dieu. Quelle place a eu Dieu dans ma vie, quelle place est-ce que je veux lui donner désormais ? « Si quelqu’un veut marcher à ma suite – dit Jésus – qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite », « SI quelqu’un, VEUT marcher » : Jésus ne nous oblige jamais, il nous laisse toujours libre. Nous pouvons tous marcher à la suite de Jésus, pour peu qu’on le veuille bien. Jésus ne veut pas des esclaves soumis, il ne veut pas des robots à sa suite, mais des amis qui s’engagent librement. Il ne nous oblige pas, il ne nous force pas. Il veut que ce soit l’amour et la reconnaissance qui nous poussent à le suivre. Jésus nous invite à prendre la route, et il nous montre le chemin.

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même », ajoute-t-il. Qu’il renonce non seulement à ce qu’il croit posséder, mais encore et surtout à l’exaltation de sa propre personne. Le péché, en effet, consiste à rompre l’ordre que le Créateur a mis dans le monde, par un amour désordonné de nous-mêmes. Lorsque nous avons le malheur de pécher, nous nous mettons au centre du monde, et croyons que tout est soumis et ordonné à notre sensibilité ou à notre orgueil. Le péché nous aliène, car il nous enferme en nous-mêmes, il ne nous laisse que notre petite satisfaction pour tout horizon. Jésus, au contraire, nous indique qu’il faut marcher vers lui ; ce faisant : il nous met en mouvement, il nous décentre, il nous ouvre, il nous rend libre.

« Qu’il prenne sa croix », ajoute encore Jésus, c’est-à-dire que nous devons apprendre à faire le bien, même si cela nous coûte. Jésus ne dit pas « qu’il prenne MA croix » : il ne nous demande pas de l’imiter en souffrant un supplice similaire à celui qui fut le sien, mais il nous dit que nous avons tous notre propre croix à porter, nous avons tous à supporter notre devoir, à l’accomplir quelquefois dans la souffrance et à subir, pour cela, peut-être, la réprobation du monde, pour qui la croix demeure toujours une folie. La fidélité, en effet, coûte toujours.

Tout le monde peut accomplir une chose difficile une fois, cela a même quelque chose d’exaltant ! On se dit : « ah, je l’ai fait ». Mais supporter les difficultés dans la durée, cela est véritablement héroïque ; c’est pourquoi nous pouvons souvent être tentés de renoncer à nos engagements, d’autant plus que le monde nous y pousse.

Le monde déteste la fidélité ; l’esprit du monde, c’est l’esprit du plaisir égoïste. « Tiens, il fait beau ce dimanche, et si nous allions nous promener au lieu d’aller à la messe ? Après tout, pour une fois…Nous ne sommes pas des intégristes ! » Voilà le monde qui parle.

« À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie », nous dit le prophète Jérémie. Comment en serait-il autrement ? Jésus lui-même a connu le mépris lorsqu’il était sur la croix : « sauve-toi toi-même », lui lançait-on. Si Jésus a connu la réprobation, nous, qui marchons à sa suite, la connaîtrons aussi. Et pourtant, il faut nous garder d’un autre écueil : celui de nous croire meilleur que les autres.

Nous ne valons pas mieux que nos contemporains qui ne croient pas, nous ne sommes pas meilleurs qu’eux parce que nous sommes chrétiens. La grâce qui est en nous nous a été donnée gratuitement, nous ne saurions jamais la mériter ; elle ne nous appartient pas ! Simplement, nous y avons consenti, nous avons dit « oui » : « Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit – dit encore Jérémie – tu m’as saisi, et tu as réussi » ; nous nous sommes laissés prendre aux pensées de Dieu, qui ne sont pas celles des hommes, comme le dit Jésus à saint Pierre dans l’évangile.

La pensée des gens du monde, c’est de jouir de la vie qu’ils voient ; l’intention des chrétiens, c’est de marcher vers la vie qu’ils ne voient pas encore, mais qui leur a été promise par le Christ, promesse à laquelle nous avons adhéré par le baptême et à laquelle nous répondons dans la foi.

La foi consiste justement adhérer à une vérité que l’on ne voit pas, une vérité qui n’est pas évidente. Pourquoi cela ? Pourquoi Dieu ne se manifeste-t-il pas de façon évidente ? Pourquoi ne nous apparait-il pas ? Justement car il veut être aimé librement : il ne veut pas écraser notre volonté, mais l’élever jusqu’à lui. C’est pourquoi l’amour de Dieu procède de la raison, avant de procéder de la sensibilité : Dieu veut que l’on adhère à lui en esprit et en vérité, non dans notre dimension la plus communément animale mais en développant à sa suite ce qui nous fait ressembler à lui, c’est-à-dire ce qui nous rend spécifiquement humains, c’est-à-dire notre esprit : notre intelligence, et notre volonté.

Marcher à la suite du Christ ne signifie toutefois pas marcher loin derrière lui, comme s’il était un mirage que l’on ne rejoindrait jamais : « tu es venu à mon secours – chante le psalmiste – je crie de joie à l’ombre de tes ailes ». Dieu nous attire à lui mais nous rejoint aussi, lui qui est « plein de miséricorde pour tous ceux qui l’appellent » ; c’était l’antienne d’ouverture de cette messe. Et il nous rejoint, avant tout, dans les sacrements, notamment l’Eucharistie et la Réconciliation. La recherche de Dieu, le cheminement vers Dieu, se fait avant tout à travers notre vie sacramentelle.

Quelle place ont les sacrements dans ma vie ? Voilà la question que nous devons tous nous poser en cette période de rentrée. Jusque-là, en effet, nous étions en vacances. Étymologiquement, la vacance, c’est l’absence, c’est le vide. « Il est là ? Oh non, il est en vacances ! Quelqu’un travaille ici ? Ah non, le poste est à pourvoir, il est vacant ». Mais les vacances sont finies, il nous faut désormais penser à la présence. Quelle présence dans ma vie vais-je donner à Dieu cette année ? À quels petits renoncements vais-je consentir pour faire de la place pour le plus grand des biens ? Quelle petite habitude vais-je pouvoir corriger pour accorder un peu plus de temps à la prière et à la pratique des sacrements, qui sont les signes sensibles de la présence de Dieu ?

Voilà les questions que nous invite à nous poser Jésus en ce dimanche de rentrée.

Amen.