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Assomption de la Vierge Marie

 Les lectures que l’Église nous donne à entendre, en cette fête, ont de quoi nous surprendre. Aucune d’elles, en effet, ne nous parle de l’assomption. L’assomption, c’est le fait que la Sainte-Vierge est monté au ciel avec son corps et son âme ; contrairement à nous pour qui, à l’heure de la mort, l’âme entre dans l’éternité tandis que le corps demeure ici-bas.

Non, aucune des lectures que nous venons d’entendre ne nous raconte cet évènement. La raison en est que, bien que les chrétiens aient toujours cru à la monté au ciel de la Sainte Vierge, avec son âme et son corps, les livres saints n’en parlent pas. Nous savons, chers amis, par le récit des Actes de apôtres, qu’après la mort de Jésus, la Vierge Marie demeura près de Jérusalem, en compagnie des disciples de son Fils. Elle était là, au milieu d’eux, au jour de la Pentecôte, c’est-à-dire lorsque le Saint-Esprit descendit sur eux. Elle vécut entourée notamment de saint Jean et de saint Luc, auteur de l’évangile dont nous venons de lire un extrait, à qui elle a confié tant de détails sur l’enfance de Jésus. Mais rien n’est dit dans la Bible, sur la mort, ou sur la dormition, comme on dit en Orient, de la Sainte-Vierge Marie.

L’Église offre plutôt aujourd’hui à notre méditation des textes qui nous guident pour envisager la place de Notre-Dame dans l’histoire de la rédemption du genre humain.

Parce que le genre humain, chers amis, en effet, a besoin de rédemption. C’est ce que nous rappelle l’antienne d’offertoire que nous chanterons tout à l’heure : « je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien ». Ces paroles, tirés du livre de la Genèse, sont celles qu’adressa Dieu à Satan après qu’il eut causé la chute de nos premiers parents. À l’origine, l’homme n’était pas fait pour la mort. Il était fait pour vivre éternellement et jouir de la présence de Dieu dans un paradis terrestre. Mais par la tentation du diable, il se détourna de l’ordre du monde institué par Dieu, et, par ce péché originel, fit entrer la mort et la souffrance dans le monde.

Ainsi débuta le mystère de l’iniquité, mais en même temps débuta le mystère de la Rédemption. Le lignage de la femme, en effet, c’est le Christ, qui nous est donné par Marie ; lignage destiné dès l’origine de l’humanité à affronter l’engeance du démon, c’est-à-dire le péché. Dès les premiers versets du livre de la Genèse se trouve annoncé la victoire sur le péché par le lignage de la femme ; la nouvelle Ève venant rendre au monde la vie perdue par la première, et cette vie : c’est le Christ.

Jésus, en effet, nous est donné par Marie. C’est ce que nous chantons chaque dimanche dans le Credo quand nous disons que « pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel. Et il s’est incarné, par le Saint-Esprit, dans le sein de la Vierge Marie, et s’est fait homme ».

Après que l’archange Gabriel eut annoncé à Marie qu’elle allait être la mère du Seigneur, il lui apprit, que sa cousine Élisabeth, âgée et réputée stérile, était elle-aussi enceinte, de Jean, ce Jean que l’on allait surnommer plus tard « le Baptiste ». La Sainte-Vierge voulut partager la joie de ces nouvelles avec sa cousine. C’est le passage de l’évangile de Saint Luc que nous venons d’entendre qui nous raconte cet épisode. Élisabeth, signifie en hébreu : « serment de Dieu », ou bien : « Dieu est fidèle ». La naissance du Baptiste, en effet, répondait aux promesses de Dieu concernant la venue du Sauveur, à savoir qu’il serait précédé d’un prophète semblable à Élie.

L’évangile nous montre ici une scène bien touchante, d’une anthropologie très profonde, pour ce qui concerne le rapport d’une femme à l’enfant qu’elle porte, mais aussi quant à la complémentarité de l’homme et de la femme. C’est Élisabeth, d’abord, qui entend la salutation de Marie, juste avant le début du passage que nous avons lu ; puis c’est son enfant qui tressaille en elle. C’est alors le tressaillement de l’enfant qui fait comprendre à la mère l’accomplissement des promesses de Dieu. Comme si la mère prêtait ses oreilles à son fils – et elle lui prête tout son corps en l’y accueillant pendant les neuf premiers mois de sa vie ; tandis que le fils, lui, partage son esprit avec sa mère. Élisabeth ressent, Jean connait, les deux admirent et partagent leur admiration.

Admirable échange ! Admirable échange de la vie et de l’esprit. Admirons aussi dans cette scène la Rédemption qui se met en place : la parole d’Ève avait semé la mort, la salutation de Marie fait germer la vie.

Comme preuve de l’inspiration divine par laquelle Élisabeth répond à cette salutation, elle emploie les mêmes mots que ceux prononcés par l’ange pour saluer Marie lors de l’Annonciation : « Vous êtes bénies entre toutes les femmes […] le fruit de vos entrailles est béni ». Oui, vraiment « heureux qui croit à l’accomplissement des paroles qui furent dites de la part du Seigneur » !

Ces paroles sont données pour que nous croyions et que nous parvenions à la vie éternelle. Mais elles sont parfois bien mystérieuses, et nous avons besoin qu’elles nous soient expliquées. C’est le cas, tout particulièrement, des récits de visions que les écrivains sacrés peuvent avoir reçues.

Saint Jean, l’auteur de l’Apocalypse, cette fois, non pas le Baptiste dont nous venons de parler, nous offre en ce jour une telle vision, qui servit d’antienne d’ouverture à cette messe.

« Apocalypse » ne désigne pas en premier lieu une fin des temps cataclysmique, comme nous l’entendons souvent. C’est un mot qui vient d’un verbe grec, désignant l’action par laquelle un époux soulève le voile de son épouse. L’apocalypse désigne, avant tout, la révélation de ce qui était caché ; révélations adressées à Jean, par le moyen de visions, pour qu’il nous les fasse découvrir.

La vision formidable que l’Église nous donne à méditer en cette fête de l’Assomption est celle d’une femme, drapée de lumière et couronnée d’étoiles. Ce verset, tiré de la quatrième vision de l’Apocalypse, décrit le combat épique de l’Église contre le diable dans le cours des temps. L’Église, en effet, est drapée de la lumière de la foi, couronnée des douze apôtres et demeure stable au-dessus des aléas du monde, représenté par la lune, sans cesse croissante et décroissante.

Mais les Pères de l’Église ont aussi presque tous vu dans cette femme la mère de l’Église elle-même : la sainte Vierge Marie, qui porte dans ses bras le Christ : « lumière qui se révèle aux nation ». Marie qui demeure entourée des douze apôtres au milieu de l’Église, dominant les choses fluctuantes du monde.

Ainsi, la présence de la sainte Vierge dans l’histoire chrétienne apparaît comme n’étant pas une simple nécessité presque purement matérielle à l’avènement du Christ. Elle a été voulue par Dieu pour elle-même dès l’origine de l’humanité, comme une réponse à la ruse du diable et une victoire sur son empire. Cette réponse et cette victoire ont été réalisées dans le mystère de l’Incarnation du Christ et son mystère Pascal, mais continuent d’être actualisées dans notre propre vie spirituelle chaque fois que nous avons recours à l’intercession de la Mère de Dieu, et même parfois malgré nous !

En 1864, le Bienheureux Père Cestac eut la vision du monde envahi par la puissance du diable, dont parle le livre de l’Apocalypse. Il composa alors cette prière que nous devrions redire sans cesse : « Auguste Reine des cieux et souveraine maîtresse des Anges, vous qui, avez reçu de Dieu, dès le commencement, le pouvoir et la mission d’écraser la tête de Satan, nous vous le demandons humblement, envoyez vos légions célestes, pour que sous vos ordres et par votre puissance, elles poursuivent les démons, les combattent partout, répriment leur audace et les refoulent dans l’abîme. Qui est comme Dieu ? Ô bonne et tendre Mère, vous serez toujours notre amour et notre espérance. Ô divine Mère, envoyez les Saints Anges pour nous défendre et repousser loin de nous le cruel ennemi. Saints Anges et Archanges, défendez-nous, gardez-nous ».

Amen.