Cantique des cantiques :
La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient… Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… Ma colombe, dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! Ta voix est douce, et ton visage, charmant. Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui. Pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras. Car l’amour est fort comme la Mort, la passion, implacable comme l’Abîme : ses flammes sont des flammes de feu, fournaise divine.Les grandes eaux ne pourront éteindre l’amour, ni les fleuves l’emporter.
Le passage du Cantique des cantiques, dont nous avons entendu la lecture, fait dire aux amants : « pose-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras ».
Le sceau, c’est une marque ; une marque que l’on vient apposer sur un document et qui a deux effets principaux. Le premier est de lui donner un caractère définitif, comme lorsque l’on dit, au sens figuré, qu’une chose est scellée, c’est-à-dire que son avenir est connu de façon certaine, et que rien ne peut plus désormais le changer. Le second effet du sceau est d’attester de l’authenticité du document qui est scellé : le sceau garantit que le document est vrai.
Dans le passage de la Bible que nous venons d’entendre, nous voyons les amants vouloir sceller leur amour : ils veulent être l’un à l’autre comme un sceau posé sur le cœur et sur le bras. « Mon bien-aimé est à moi – disent-ils – et moi, je suis à lui ». Or, le sceau de votre amour, chers X et Y, ce qui vous fait appartenir l’un à l’autre, c’est le mariage.
Le sceau de l’amour entre l’homme et la femme vient les lier : d’une part car il rend leur engagement définitif, indissoluble à toute puissance humaine ; d’autre part car il les engage désormais dans la fidélité, dans le don exclusif d’eux-mêmes. Mais en réalité : le mariage n’enferme pas : il libère.
Il libère car il est lui-même un acte de liberté. Être libre, ce n’est pas se préserver de tout engagement, au contraire : c’est s’engager dans la direction que l’on souhaite de soi-même. La peur de l’avenir, la crainte des épreuves, la terreur des difficultés, voilà ce qui nous paralyse, voilà la cause extérieure à nous qui nous empêche de poser des actes, voilà ce qui vient étouffer notre liberté. Molière faisait dire à Scapin : « je hais ces cœurs pusillanimes qui, pour trop prévoir les suites des choses, n’osent rien entreprendre ». Vous, chers amis, aujourd’hui, vous entreprenez quelque chose, quelque chose de fort, qui est le signe de grands cœurs : vous entreprenez de faire tomber toutes les barrières qui vous empêcheraient de vous dire « oui » l’un à l’autre chaque jour. Les engagements que vous allez prendre réciproquement ne vous enchaîneront pas ; au contraire : ils vous libèreront de tout ce qui pourrait contraindre la croissance de votre amour réciproque.
Le mariage, enfin, vous ouvrira à l’altérité. Le mariage n’est pas l’achèvement d’une vie de couple, il est, au contraire, le point de départ d’une vie de famille, d’une famille qui est appelée, par nature, à croître.
Le sceau matrimonial est donc ainsi caractérisé par ces quatre aspects, comme quatre piliers qui soutiennent un édifice : la liberté du consentement donné l’un à l’autre, l’indissolubilité de votre engagement l’un envers l’autre, la fidélité l’un à l’autre et l’ouverture à la vie.
Le sceau vient donner un caractère définitif aux engagements qu’il scelle, mais il vient aussi les authentifier. En échangeant vos consentements tout à l’heure, vous ne poserez pas seulement un acte libre, vous poserez encore un acte vrai. Que signifie dire « je t’aime » mais refuser de s’engager ? Nous voyons parfois des publicités clamer haut et fort que le produit – je n’ose dire le produit « miracle » – dont on nous fait l’article est sans engagement. Est-ce là le modèle de l’amour humain ? Que signifie partager son intimité, mais se réserver le droit de la briser ? Qui d’entre nous accepterait un travail sans contrat ? Ne devons-nous pas pourtant accorder encore plus d’importance à ce que nous avons de plus précieux ? à ce qui est l’image de Dieu lui-même en nous, c’est-à-dire l’amour ?
En vous disposant, chers X et Y, à sceller votre amour du sceau du mariage, vous le rendez plus vrai. Or, le poète Pierre Reverdy disait : « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Un amour vrai, c’est un amour en acte.
Le sceau du mariage n’est pas la validation d’un amour de pur sentimentalisme ; l’amour, avant d’être une disposition du cœur, est un acte de la volonté. Il y aura des moments difficiles et, dans ces moments-là, il faudra vous souvenir que le sceau du mariage n’aura pas seulement été apposé sur votre cœur, mais le Cantique des cantiques, que nous avons lu, affirme qu’il doit aussi sceller vos bras. Il viendra un temps où votre amour devra être entretenu – et même peut-être sauvé – à la force du poignet, avec une bonne dose d’huile de coude ; il faudra faire des efforts !
Alors vous vous souviendrez de ce jour ; vous vous souviendrez de l’acte libre que vous allez poser dans quelques instants, et que cet acte n’est pas un contrat que vous allez signer, mais une alliance que vous allez fonder ; une alliance d’amour qui participe au modèle de l’amour de Dieu pour nous.
Le mariage, en effet, dont la réalité est inscrite dans notre nature, a été élevé au rang de sacrement par Jésus-Christ, c’est-à-dire comme un signe qui procure un bien spirituel. Vous êtes ici entourés de vos témoins, qui viennent non seulement assister à vos noces, mais encore, à l’avenir, vous les rappeler. En vous donnant l’un à l’autre devant Dieu, vous lui demandez également de vous assister dans votre vie maritale future, c’est la grâce que nous avons demandée ensemble pour vous au début de cette cérémonie, et c’est ce que vous devrez lui demander chaque jour à nouveau, chers amis, dans le secret de votre cœur.
Amen.