« Chers frères ! Qui êtes ici pour prendre part aux splendeurs de cette sainte lumière ! Invoquez avec moi la miséricorde de Dieu, afin qu’il daigne m’aider à célébrer dignement la gloire de ce cierge ! » C’est par cette salutation et cette invitation que le diacre, cette nuit, a commencé le chant de l’Exultet, et c’est également ainsi qu’il débute, ce matin, la prédication, en ce saint jour de Pâques.
La lumière, en effet, est au centre de la liturgie pascale. Quand un enfant vient au monde, on dit qu’il voit le jour. De même, quand un chrétien nait à la vie de la grâce, au jour de son baptême, on lui remet une lumière : un cierge allumé, symbole de la foi qui vient de lui être donnée. La lumière qui a brillé cette nuit et chassé les ténèbres, c’est la lumière de la foi.
L’usage de bénir un grand cierge dans la nuit de Pâques remonte à l’Antiquité, puisqu’il est attesté avant le Ve siècle. Le cierge lui-même représente l’humanité du Christ, qui porte les traces de la crucifixion, c’est pourquoi le cierge est marqué de la croix. Sur cette croix, on vient planter cinq petites piques, pour signifier les cinq plaies du Christ, chacune étant chargée d’un grain d’encens, pour symboliser les parfums dont Marie-Madeleine et les autres femmes avaient embaumé le corps de Jésus.
Le cierge ainsi paré, qui demeure dans l’obscurité, représente le corps inanimé du Christ au tombeau. Puis, tout comme Dieu reprit possession de son corps et rendit la vie à ce qui était mort, on vient allumer ce cierge. Cette chose inerte, blanche, et raide comme un cadavre, se réchauffe alors et sa belle et douce lumière révèle désormais les couleurs des objets qui l’entourent, tandis que la cire s’assouplit sous l’effet du feu.
Le cierge pascal représente le Christ ressuscité et demeurant désormais avec nous, jusqu’à son Ascension. Voilà quelle est la lumière qui nous guide pendant le temps pascal.
Nous pourrions croire qu’il est maintenant l’heure du repos. Après les efforts du carême, en effet, nous aspirons tous à souffler un peu ! Mais en réalité, la lumière céleste dont nous jouissons désormais nous appelle à reprendre la route, tout comme pour les disciples du Seigneur à l’annonce de la résurrection, ainsi que nous l’avons lu dans l’évangile.
La lumière, en effet, donne la connaissance. C’est grâce à elle que nous voyons. Et c’est pour nous faire comprendre que la lumière du Christ – et du Christ ressuscité – nous donne une compréhension nouvelle des choses, que nous avons relu, cette nuit, les prophéties de l’ancien testament à la lumière du cierge pascal, à la lumière du Christ ressuscité, à la lumière de leur accomplissement.
Que Jésus soit vivant, lui qui était mort, cela signifie qu’il est bien Dieu, seul maître de la vie et de la mort, et cela signifie donc qu’il dit vrai : « il est ressuscité, comme il l’avait dit », chantons-nous dans l’antienne Regina cœli ».
Et comme il l’avait dit, il nous précède encore. C’est pourquoi il n’est pas temps de nous appesantir, mais plutôt de nous lancer à sa suite ; le cierge pascal avait été préfiguré par la colonne de nuée qui précédait les hébreux dans le désert et dirigeait leur marche, tout comme sa lumière nous a guidé hier soir, en entrant dans l’église où régnait depuis vendredi l’obscurité de la mort.
Pâques est un passage. « Heureuse nuit, dans laquelle le ciel s’unit à la terre », avons-nous encore chanté hier soir. L’immortel auteur de la vie est passé par la mort, pour que nous qui sommes voués à passer de la vie à la mort ayons la vie éternelle. Dieu passe, mais il ne nous abandonne pas ; il nous précède, simplement. « Vous avez posé votre main sur moi – c’était l’introït de cette messe – votre sagesse a fait des merveilles ». La lumière de la résurrection révèle, en effet, la sagesse de Dieu. À cette lumière, la croix manifeste son sens ; elle qui n’était jusque là que scandale et folie apparaît désormais comme le passage obligé vers la gloire.
Le Christ ressuscité est le gage de notre foi, il est aussi notre espérance, comme nous l’avons chanté dans la séquence. Quoique nous jouissions de la certitude de sa victoire sur la mort, acquise une fois pour toutes, il nous faut tout de même continuer à marcher à sa suite. Jésus, en effet, est désormais glorifié, mais ce n’est pas encore notre cas. Cependant, à la lumière de sa victoire, nous savons maintenant dans quelle direction nous pouvons marcher avec assurance jusqu’à ce que, à notre tour, il nous faille accomplir notre propre passage à travers la mort vers la gloire.
Le Christ est donc cette lumière qui nous guide dans la vie, lumière de la foi, qui nous fait cheminer dans l’espérance, et dont l’ardeur de la flamme doit aviver notre charité. En contemplant le cierge pascal, souvenons-nous de la lumière que nous avons reçue à notre baptême ; nous avons identifié, pendant le carême, ce qui venait en ternir l’éclat, nous sommes donc désormais libres de la suivre en toute liberté.
Joyeuses Pâques !
Amen.