Le dimanche après l’octave de Pâques a reçu plusieurs noms. On l’appelle dimanche de Quasimodo, d’après les premiers mots de l’introït, tirés de la première épître de saint Pierre. On l’appelle aussi dimanche in albis, car c’était autrefois au soir de ce dimanche que les néophytes, qui avaient reçu le baptême dans la sainte nuit de Pâques, déposaient les vêtements blancs qu’ils avaient portés pendant toute l’octave pascale. Enfin, ce dimanche est encore appelé « dimanche de la Miséricorde divine », depuis que le pape saint Jean Paul II a institué cette fête pour l’Église universelle en l’an 2000, d’après les visions de sainte Faustine Kowalska.
Ces trois vocables convergent toutefois tous vers la même idée : nous avons été lavés de nos péchés dans le baptême, il faut donc désormais persévérer dans la vie spirituelle afin de demeurer fidèles à la grâce que nous avons reçue.
Le jour de notre baptême, en effet, nous avons été marqués du sceau de la foi en recevant la grâce de la rémission du péché et de l’adoption divine ; foi que nous nous sommes engagés, par nous-mêmes ou par la bouche de notre parrain ou de notre marraine, à conserver durant toute notre vie.
Au jour de notre baptême, nous avons fait une rencontre : une rencontre mystique, mais bien réelle. Une rencontre avec le Christ, venu dans l’eau du baptême. Par le baptême, en effet, notre âme est devenue la demeure de Dieu. Lors de la vigile pascale, alors que nous avons été invités à renouveler les promesses de notre baptême, nous avons à nouveau déclaré renoncer à tout ce qui pouvait chasser Dieu de notre âme, c’est-à-dire le péché.
Mais Jésus ne se rencontre pas seulement dans l’eau, il se rencontre encore dans le sang. Ce sang, c’est celui qu’il a versé pour nous lors de sa Passion, pour satisfaire le prix du péché, et ainsi nous rendre l’accès au Paradis. Et le fait qu’il vienne non pas dans l’eau seulement, mais dans l’eau et le sang, comme le dit saint Jean, signifie que c’est dans la Passion que le sacrement du baptême tire son efficacité, mais encore que le fait de recevoir le baptême ne nous dispense pas d’endurer la souffrance de ce monde.
La victoire que le Christ a déjà acquise et la paix qu’il offre à ses disciples ne nous épargne pas de mener un combat ici-bas contre la convoitise du monde, et connaître la souffrance. La lumière de Pâques ne fait pas disparaître la croix, mais elle chasse l’obscurité qui l’entoure pour en révéler le sens et la nécessité.
Car c’est par la foi, en effet, que nous triomphons du monde. Nous devons combattre, mais combattre avec une arme que le monde ne connaît pas, une arme qui nous assure la victoire ; et cette arme, c’est la foi.
La foi consiste à adhérer à une vérité que l’on ne voit pas, en vertu de la parole qui nous est donnée. Nous croyons aisément, en effet, au témoignage des hommes. Quand nous lisons un livre d’histoire, nous ne sommes pas, en général, sujets à un doute systématique et méthodique. Pourquoi, alors, n’en va-t-il pas de même pour les témoignages touchant Dieu ? Au contraire, si nous adhérons au témoignage des hommes, combien plus faut-il adhérer au témoignage de Dieu, qui est plus véridique !
Les textes de ce dimanche nous invitent à méditer sur les moyens de faire croître la foi en nous. Comme des enfants nouveau-nés, il faut nous rassasier de lait, de lait spirituel. Ce lait, c’est la parole de Dieu, ce sont les témoignages qui ont été écrits afin que nous croyions et que nous ayons la vie, comme le dit encore saint Jean.
Car notre vie est bien ce qui est en jeu, chers amis. Le baptême nous a rendu enfants de Dieu, mais encore faut-il nous conformer, désormais, à cette grâce. Nous ne saurions être dignes, en effet, de la grâce qui nous est donnée : la grâce est un don de Dieu, elle est donc toujours au-delà de nos forces, elle est toujours imméritée. Mais heureusement, c’est Jésus qui vient nous l’offrir en faisant le premier pas. Tandis que les apôtres s’étaient barricadés par crainte, Jésus les rejoignit, malgré les obstacles qu’eux-mêmes avaient dressés. Il leur offrit la paix et eux se réjouirent. Alors il leur dit : « comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie », puis il leur donna le pouvoir de remettre les péchés.
Le récit que nous lisons se déroule au début le dimanche-même de la résurrection. Les apôtres avaient reçu la nouvelle, de la part des femmes qui étaient allé prendre soin du corps de Jésus, que le tombeau était vide. Pierre et Jean, au moins, dont nous lisons les textes ce dimanche, l’ont même constaté par eux-mêmes. Pourtant, les disciples vivaient encore enfermés par crainte du monde.
Jésus vint donc leur offrir ce qu’il manquait à leur assurance : la faculté de pardonner les péchés, c’est-à-dire la victoire permanente sur les tentations que connaît notre nature blessée. Quand nous recourons au sacrement de pénitence, nous appelons sur nous à la fois le souvenir de l’eau de notre baptême, mais aussi celui du sang de la Passion du Christ.
Les promesses de Dieu sont sans repentance. Si nous croyons le témoignage des hommes, combien plus devons-nous croire celui de Dieu ! Le sang et l’eau jaillis du cœur de Jésus ne peuvent avoir coulés en vain. En confessant nos fautes, nous invoquons sur nous l’effusion de la Miséricorde de Dieu, bien plus que nous nous exposons à un jugement.
En ce dimanche où nous faisons mémoire à la fois de notre propre baptême et de la Miséricorde de Dieu, méditons sur le lien qu’il y a entre les deux : ce lien qui est la foi en un Dieu qui n’est pas seulement Créateur, mais encore Père et Sauveur.
Amen.