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Homélie pour la solennité de la Présentation

 Le passage de l’évangile que nous lisons en cette fête de la Présentation au Temple de l’Enfant Jésus et de la Purification de la Vierge marie met l’accent sur la figure touchante du vieillard Siméon : un homme juste et craignant Dieu, sur qui reposait l’Esprit Saint et qui attendait la consolation d’Israël.

Ce qu’on appelle une consolation, c’est d’abord le soulagement de l’affliction, mais c’est aussi n’importe quel sujet de joie. Et le peuple d’Israël, à l’époque de Jésus, avait, en effet, non seulement besoin d’être soulagé de l’occupation d’une puissance étrangère, mais encore attendait avec impatience la venue du libérateur promis par les prophètes. Pendant l’Avent, nous chantons dans le cantique Rorate cæli, en empruntant les paroles d’Isaïe, les paroles suivantes : « consolez-vous, mon peuple, bientôt viendra ton salut ; je te sauverai, ne crains pas, je suis en effet le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ton rédempteur ». La date et le lieu de la naissance du Christ étaient, connus de ceux qui connaissaient les Écritures ; c’est ainsi que les sages qui entouraient Hérode avaient pu guider la route des Mages venus d’Orient vers Bethléem.

Les juifs pieux, tels que Siméon, attendaient donc la venue du Sauveur, qu’ils savaient être proche, par les prophéties qu’ils avaient reçues de leurs pères. Ils attendaient la consolation d’Israël, c’est-à-dire la fin de ses tourments, mais beaucoup se méprenaient sur la nature de cette consolation et croyaient que le Messie était censé revêtir un pouvoir terrestre. C’est ainsi que beaucoup se détournèrent de Jésus lorsqu’il fit comprendre que le royaume qu’il était venu annoncer n’était pas de ce monde.

Et cette méprise, chers amis, il nous arrive à nous aussi de la commettre aujourd’hui.

Notre monde, en effet, semble sombrer dans le chaos sur tous les plans : chaos de la situation internationale, chaos de la situation morale et sociale de notre pays, chaos dans la vie de l’Église elle-même. Et tandis que ces situations semblent inextricables sur le plan humain, nous pouvons nous demander quand viendra notre consolation. Quand est-ce que le Christ permettra enfin que reviennent la paix et la tranquillité ?

C’est oublier, chers amis, que la souffrance et la mort sont le prix du péché, et que nous sommes dans ce monde pour expier, malgré les joies légitimes – et elles sont nombreuses, heureusement ! – que nous pouvons y trouver. C’est aussi cette réalité que vient nous rappeler la fête de la Purification de la Vierge Marie.

Après avoir prononcé les paroles dont nous venons de faire la lecture, Siméon ajouta que l’enfant qui est là serait un signe de contradiction pour le monde et, à l’intention de la Sainte Vierge, qu’un glaive de douleur traverserait son âme. La contradiction du Christ avec le monde allait, en effet, le conduire à sa Passion, et, avec lui, conduire Marie à la compassion, c’est-à-dire à souffrir avec lui pour notre rédemption.

Et c’est là tout ce qui doit faire notre consolation : le fait de savoir que notre monde déchu a été racheté par la Passion de Jésus, et que nous sommes nous-mêmes sauvés par elle. C’est dans la foi, en effet, que se trouve notre consolation, dans le fait de savoir que notre Rédempteur, mort sur la Croix pour notre salut, est ressuscité et monté au ciel d’où il règne pour l’éternité.

Voilà la lumière qui vient éclairer toutes les nations, la lumière de la foi. La foi, en effet, se présente à bon nombre de nos contemporains comme une obscurité, comme le domaine propre de ce que la raison est incapable de saisir, comme une satisfaction privée incapable d’éclairer réellement les choses.

Mais la foi n’est pas une petite sagesse puisée dans la littérature biblique ; la foi procède d’une rencontre, d’une rencontre personnelle, avec le Christ qui est venu sur Terre, et avec qui nous avons donc quelque chose en commun sous ce simple rapport, mais qui, une fois monté au ciel, nous attire à lui comme le but ultime de notre vie.

Abraham fut appelé à quitter la terre de son père, Moïse à faire sortir les hébreux de leur servitude. La foi nous met en chemin et nous libère. La mort du Christ sur la croix n’a pas été un point final, mais au contraire, chers amis, a donné la preuve ultime de l’amour que Dieu a pour nous et du prix auquel il nous estime : celui de sa propre vie. Le mystère pascal est un point de départ, c’est une chose à laquelle il faut penser tandis que nous nous situons, en ce jour, au carrefour entre la fin du cycle des célébrations de la Nativité et l’ouverture, en ce dimanche qui est aussi celui de la Septuagésime, du cycle des mystères de notre rédemption. En s’offrant sur la croix et en manifestant sa résurrection, Jésus scelle la foi en un Dieu qui n'est pas un étranger, comme une sorte de grand architecte vivant dans les nuées sans se soucier des fourmis qu’il a créées, mais en un Dieu qui se livre à nous par amour, afin que nous ayons la vie.

La mort est entrée dans le monde par la ruse du diable, et elle s’y maintient par lui. Les religions païennes étaient fondées sur les sacrifices et la mort, et l’athéisme post-chrétien de notre monde ne semble jamais rassasié non plus du sang des innocents.

Mais notre Dieu est un Dieu de la vie, qui offre la sienne pour que nous l’ayons en abondance. Il se manifeste ainsi comme étant bien plus qu’un créateur : un père, notre Père. Croire en Dieu, c’est donc reconnaître que nous avons une origine et un appel en lui, alpha et oméga de notre existence ; c’est croire que notre vie a un sens par lui, avec lui et en lui.

Ainsi, la foi n’est pas simplement l’adhésion à une doctrine mais encore à une personne : Jésus, la vérité-même faite chair. C’est en restant toujours uni à lui qui la vie prend tout son sens malgré les vicissitudes du monde ; c’est donc dans la lumière de la foi que les chrétiens puisent leur consolation.

En répétant chaque soir, dans l’office des complies, les paroles de Siméon, dont nous avons fait la lecture, nous réaffirmons, au moment où disparaît toute la lumière du jour, que le monde est impuissant à éteindre la lumière qui rayonne dans l’âme des serviteurs de Dieu.

Les païens vouaient un culte au soleil : l’astre qui réapparait chaque jour comme à l’issu d’un combat avec la nuit. Le soleil invaincu, sol invictus, disaient les romains. Mais le soleil lui-même aura une fin. Ne nous attachons donc pas, chers amis, à ce qui brille pour le monde et qui passe, mais reconnaissons que la vraie lumière se trouve en Jésus-Christ.

Amen.