Le mot « épiphanie » est tiré du grec « ἐπιφάνεια : la manifestation ». Ce mot est lui-même tiré du verbe « φαίνω », qui signifie dans son sens premier : « faire briller ». « Resplendis, Jérusalem ! – clame le prophète Isaïe – car ta lumière paraît, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi ».
La lumière dont il est question, c’est celle qui transperce l’obscurité de la nuit de Noël, et dont parle saint Jean quand il dit, dans le prologue de son évangile, que nous lisons à la fin de la messe : « la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Cette lumière, c’est le Christ, venu dans l’obscurité d’un monde blessé par le péché, afin de s’y manifester.
Et cette lumière, le monde ne l’a pas reconnue. Nous ne l’avons pas reconnue, ou plutôt : nous ne l’avons pas retenue. Cette lumière, en effet, nous a été donnée au jour de notre baptême, et elle nous a été donnée de deux façons. Elle nous a été donnée physiquement, bien sûr, lorsqu’à la fin de la cérémonie, un cierge, allumé à la flamme du cierge pascal représentant le Christ ressuscité, fondement de la foi, nous a été tendu ; cierge que nous avons reçu par nous-mêmes ou bien par nos parrain et marraine, pour symboliser la lumière qui nous a été donnée d’une seconde manière : une manière spirituelle, et cette lumière, c’est la foi. Le baptême, en effet, confère les vertus théologales et donc notamment la foi. Lumen fidei, lumière de la foi ; vous reconnaîtrez là le titre de la dernière encyclique du pape Benoît XVI, signée et promulguée par son successeur.
Or, cette lumière, qu’en avons-nous fait ? Avons-nous su entretenir la flamme ou bien avons-nous soufflé dessus et l’avons-nous fait vaciller ? La question a d’autant plus d’importance, chers amis, qu’elle dépasse notre responsabilité personnelle.
Isaïe, dans la prophétie dont nous avons fait la lecture, parle de l’Église à travers l’image de Jérusalem : « voici que les ténèbres couvrent la terre, et une sombre obscurité les peuples, mais sur toi le Seigneur se lève, et sa gloire se manifeste sur toi ». Dans notre monde qui semble rejeter de plus en plus le Christ, chacun de nous, chers amis, est appelé à resplendir de la gloire de Dieu, manifester la lumière que nous avons reçue au jour de notre baptême.
Et c’est pourquoi nous commémorons, avec la fête de l’Épiphanie, non seulement la venue des Mages depuis l’Orient jusqu’à la crèche, mais encore le baptême de Notre-Seigneur. Nous avons vu une lumière, depuis les ténèbres de l’infidélité dans lesquelles nous étions. Nous l’avons suivie et sommes parvenus au Christ, auquel nous avons été assimilés par le baptême, au point d’être nous-même rendus participants à cette lumière dans l’Église.
Car l’Église, chers amis, n’est pas une réalité purement abstraite ; bien qu’elle nous dépasse tous, nous en sommes, chacun de nous, les membres, nous en sommes les pierres. Or, cette Église est belle quand elle est toute illuminée, c’est-à-dire quand elle rayonne, et qu’elle rayonne de la foi.
C’était là tout l’enseignement de Benoît XVI qui, dans une conférence de carême à Notre-Dame de Paris en 2001, alors qu’il n’était pas encore pape, déclarait que « l’Église n’est pas là pour elle-même, elle a une mission pour l’humanité ; elle est là pour que le Dieu vivant soit annoncé, pour conjurer la progression de l’enfer sur terre et pour rendre celle-ci habitable à la lumière de Dieu ».
C’est à l’Église, en effet, d’être la lumière de toutes les nations, lumen gentium, jusqu’à la fin des temps ; d’être l’étoile que les hommes de bonne volonté perçoivent depuis les contrées les plus éloignées et cherchent à rejoindre. Alors ils viendront et déposeront, aux pieds de celui que l’Église leur donnera à connaître, des offrandes comme une profession de foi : l’encens, que l’on brûle dans les temples, pour confesser la divinité de celui qu’ils auront rencontré, la myrrhe, dont on parfumait le corps des défunts, pour attester de son humanité et l’or pour reconnaître sa royauté. Tous alors publieront les louanges du Seigneur et s’en retourneront par un autre chemin : parvenus à la vie de la grâce, ils rejetteront, en effet, la voie des ténèbres pour parcourir désormais celle de la foi.
Voilà, chers amis, une approche de la mystique de l’Épiphanie, dans laquelle nous sommes invités à entrer en ce temps. Elle doit nous rappeler que l’Église ne peut rayonner que de la foi si elle veut manifester la présence de Dieu, et qu’il appartient à chacun de nous d’y participer, dans la mesure de notre état de baptisé laïc ou clerc, par une vie de foi, en témoins.
Croire, ce n’est pas seulement croire que Dieu existe, mais c’est encore croire qu’on existe pour Dieu. La foi procède d’une rencontre personnelle avec le Christ, pas d’un simple savoir catéchétique appris dans les livres. Vivre de la foi, c’est vivre avec Jésus, c’est lui parler dans la prière, c’est le fréquenter dans les sacrements, c’est l’aimer dans tous les aspects de notre vie et lui demander de parvenir à le rejoindre un jour dans sa gloire.
Amen.