Accéder au contenu principal

Homélie pour le 2e dimanche de l'avent

 Qu’attendons-nous ? Le mot « Avent », en effet, vient du latin « ad-ventu » : « ce qui doit venir ». L’Avent, c’est donc l’attente de quelque chose qui doit venir. Oui mais alors se pose naturellement la question : qu’attendons-nous ?

La réponse la plus évidente consiste à dire que c’est Jésus. Nous attendons l’incarnation du Fils de Dieu, que nous fêterons à Noël. Nous attendons l’avènement du Christ. Et il est intéressant de remarquer que « avènement » et « Avent » ont la même racine étymologique.

Oui mais voilà, Jésus est déjà venu, une fois pour toutes. Il s’est déjà incarné. Est-ce à dire, alors, que l’Avent n’est qu’une simple commémoration ? Est-ce simplement un temps pendant lequel nous nous mettons, en quelque sorte, à la place du peuple juif qui a attendu le messie pendant de longs siècles ? L’Avent, en effet, c’est bien cela, mais c’est aussi, et surtout, bien plus que cela : il y a, en effet, trois avènements du Seigneur.

Le premier, c’est bien l’incarnation : le Fils de Dieu qui se fait chair en la personne du Christ. Cet évènement appartient à l’histoire. Et bien qu’il a été caché sous le voile de l’humilité et de la pauvreté quant à sa réalisation, quant au fait qu’il a consisté pour une humble vierge à enfanter dans une pauvre crèche, cet avènement était pourtant précisément attendu quant à son lieu et son temps par les prophètes de l’Ancient testament. Michée avait, en effet, annoncé la naissance du Sauveur à Bethléem et Daniel sa date ; c’est d’ailleurs ce qui permit aux Mages d’Orient d’arriver au bon endroit au bon moment. Jacob, le patriarche, et Isaïe avait même annoncé au sein de quelle famille allait naître celui qu’attendaient Israël et tous les peuples ; promesses parvenues même aux païens, ainsi qu’en attestent les sibylles du pavement de la cathédrale de Sienne, en Toscane.

Mais il y a un autre avènement du Christ qui, lui, ne s’est pas encore produit : c’est son avènement à la fin des temps. Contrairement à son premier avènement, cette fois, le Christ se manifestera tel qu’il est : avec toute sa gloire. En revanche, la date et le lieu de ce retour ne seront pas révélés avant qu’il se réalise. Voilà donc ce que nous attendons vraiment, comme une chose promise et non encore réalisée : le retour glorieux du Christ, annoncé par ses propres paroles. L’Avent doit donc aussi être la préparation de cet évènement.

Et nous saisissons par là un peu mieux, chers amis, le sens des cycles liturgiques et le lien qu’il y a entre l’annonce de la fin des temps au terme d’une année, et l’attente de la venue du Sauveur par laquelle s’ouvre l’année suivante. La réitération des années liturgiques n’est donc pas purement cyclique, mais nous invite plutôt à une progression continue, une marche vers ce à quoi nous sommes tous appelés : partager l’éternité bienheureuse avec notre Rédempteur.

Il y a, toutefois, un autre avènement du Christ auquel nous sommes appelés à nous préparer : c’est celui de son avènement en nos âmes, par la grâce. Le premier avènement est réalisé une fois pour toutes ; quant au dernier, il est ultimement réservé. Le Bon Dieu, cependant, ne nous laisse pas orphelin : « voilà, dit-il, que je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Or, le fait que puisse advenir la grâce en nos âmes en raison des promesses de Jésus est justement l’objet d’une vertu : la vertu d’espérance.

« Mes Frères – dit saint Paul – tout ce qui a été écrit avant nous l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience et la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance ». Autrement dit : l’Écriture nous enseigne ce qu’il faut attendre et de quelle manière.

Nous avons parlé tout à l’heure des prophètes. Le passage de l’évangile que nous avons lu de matin évoque le dernier d’entre eux : saint Jean-Baptiste. On l’appelle le dernier des prophètes car il a vu, lui, ce que tous attendaient. Jean savait qui était le Christ, il savait ce qu’il était. c’est pourquoi, alors qu’il était en prison et que sa fin approchait, il envoya ses disciples vers celui qui était l’objet de toute sa prédication : Jésus.

« Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? », demandèrent les disciples à Jésus. Et voici la réponse qu’il fit : « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés ». À une question touchant la foi, la croyance, Jésus répond par les œuvres. Ces œuvres, en effet, que Jésus a accomplies concrètement, sont riches de sens spirituel.

Les aveugles qui retrouvent la vue signifient les pécheurs qui prennent conscience de leurs fautes par l’enseignement du Christ. Les boiteux sont ceux qui ne parviennent pas à poser des actes bons ; leur conduite est rectifiées. Les lépreux : les pécheurs qui contaminent les autres par leur débauche, sont purifiés. Les morts, ceux que l’on croyait perdus à tout jamais, reviennent à la vie de la grâce. Tous prennent conscience que les biens qu’ils plaçaient au-dessus de la vie spirituelle ne sont que des chimères, c’est pourquoi ils s’en dépouillent. La bonne nouvelle parvient ainsi à ces nouveaux pauvres de cœur.

Les bonnes œuvres, en effet, chers amis, sont un signe de la grâce. Ceux qui croient conforment leurs actions à ce qu’ils croient, et cette conformité engendre la paix et la joie : joie d’être disposé selon les promesses d’un Dieu fidèle et paix de n’attendre que de lui le salut qu’il a promis.

« Mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous nous donnerez votre grâce en ce monde et, si j’observe vos commandements, le bonheur éternel dans l’autre, parce que vous l’avez promis et que vous êtes fidèle à vos promesses ». Voilà l’acte d’espérance, qu’il est bon de répéter régulièrement.

Le gage de la fidélité de Dieu nous est donné par le foi et se fonde sur son incarnation, c’est-à-dire le premier avènement du Christ. Le bonheur éternel sera notre consommation dans la charité avec lui, lors de son dernière avènement. Mais ce que nous attendons en premier lieu, chers amis, pour nous préparer au retour glorieux du Christ, c’est son avènement dès à présent dans nos âmes par sa grâce, c’est-à-dire un état d’amitié et de ressemblance avec lui, qui se crée et s’entretient avant tout par la prière et les sacrements.

Que nos cœurs s’animent donc pour préparer la route au Christ, ainsi que nous le demandons dans la collecte. Et « que Dieu nous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, afin que, par la vertu de l’Esprit-Saint, nous abondions en espérance ! ».

Amen.