Nous lisons dans l’évangile de ce jour, alors que nous célébrons la solennité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, que Notre-Seigneur nous exhorte à devenir comme les petits enfants afin de pouvoir entrer dans le royaume des cieux.
Pourtant, chers amis, les enfants peuvent souvent ressembler à des petits démons, plutôt qu’à des anges ! Et nous le savons bien dans notre paroisse, qui comprend plusieurs œuvres de jeunesse ! Qu’est-ce à dire, alors, au-delà d’une fausse conception de la jeunesse, qu’il faut nous rendre semblables aux enfants pour obtenir l’héritage du Paradis ?
Jésus ne nous appelle pas, en effet, à avoir un comportement infantile. L’état d’enfance, cependant, nous suggère à nous, adultes, l’humilité et la simplicité de cœur – ce dont l’enfant n’a pas lui-même conscience. Un enfant, en effet, aussi charmant soit-il, est le centre de son petit univers ; c’est l’éducation et la grâce qui lui feront prendre conscience de sa vraie place. Mais si l’enfance suggère aux adultes l’humilité, c’est parce qu’ils sont conscients de l’état de dépendance qui est propre à cet état, et que c’est une relation de dépendance analogue qui nous lie, nous tous, à Dieu. Mais çà, les adultes eux-mêmes n’en ont pas non plus toujours conscience.
L’enfance est un état de crédulité. L’enfant croit ce qu’on lui dit, plus facilement qu’un adulte. Il reçoit donc sa connaissance avec aisance et confiance. Il sait également que c’est de ses parents qu’il reçoit tous ses biens, tout ce dont il a besoin pour vivre. Il est porté, enfin, par la nature, à éprouver de l’affection pour ses parents.
Nous retrouvons là, chers amis, une métaphore des vertus théologales, c’est-à-dire des dispositions que nous avons à nous tourner vers Dieu. Par la vertu de foi, en effet, nous sommes enclins à recevoir facilement les enseignements divins. C’est cette vertu qui nous fait écouter attentivement les lectures et assister dévotement à la célébration du sacrifice eucharistique, sans regarder son téléphone ou discuter avec son voisin. La vertu d’espérance, quant à elle, nous fait prendre conscience que Dieu est la source de tout ce que nous avons, et avoir confiance en lui pour obtenir tout ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire ultimement, la vie éternelle. La vertu théologale de charité, quant à elle, nous permet d’aimer Dieu plus que tout, et notre prochain pour l’amour de Dieu.
Mais cet esprit d’enfance, qu’il nous faut cultiver à l’invitation du Christ, a un ennemi : le péché. Le péché, en effet, use l’enfance spirituelle qui doit être la nôtre ; il nous vieillit.
Il est dans l’ordre naturel qu’avec l’âge, l’enfant se sépare de ses parents ; non par l’affection, mais au moins par sa dépendance. Or, si Jésus nous exhorte à conserver un esprit d’enfance vis-à-vis de Dieu, c’est justement pour que nous n’ayons jamais l’orgueil de croire que nous pourrions vivre sans lui. Ça, c’est justement le mensonge du diable, qui nous invite à nous affranchir des lois divines : « enfreignez la loi, nous dit-il, et à votre tour, vous serez comme des dieux, capables de fixer vous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal ».
Le péché vient donc détruire notre relation avec Dieu. Il nous conduit à douter de la foi, à ne plus reconnaître que nous ne pouvons rien sans Dieu, et, par la suite, à ne plus l’aimer. Le péché efface notre connaissance et pervertit notre volonté. Il nous fatigue au point de ne plus rien désirer et ne trouver plus aucune joie réelle et profonde dans ce que nous avons ou vivons, c’est pourquoi on dit qu’il nous vieillit : il fait de nous des vieillards spirituels, croulants sous le poids de nos fautes ; le péché envahit notre présent de regrets et ne nous laisse pour avenir que la mort.
La grâce, elle, nous rajeunit. C’est pourquoi le prêtre, au moment de monter à l’autel pour célébrer les saints mystères, récite le psaume 42 : « Introibo ad altare Dei, ad Deum qui lætificat juventutem meam – Je m’avancerai vers l’autel de Dieu, vers Dieu qui réjouit ma jeunesse ». Ce n’est pas que le prêtre, alors, se souvient avec joie de son enfance et de ses cours de catéchisme qui l’enchantaient ou du l’époque où il était ravi d’être un petit enfant de chœur. « Lætificat », de « lætificare », « réjouir », est conjugué au présent. C’est parce que la vie de la grâce est un rajeunissement permanent.
La grâce favorise notre croyance et fortifie la foi, elle entretient notre relation à Dieu et augmente l’amour que nous avons pour lui. Et le moyen privilégié d’obtenir la grâce, non pas comme un produit de supermarché qu’on achète mais comme un don gratuit qui se vit, c’est les sacrements, à commencer par celui que nous apprêtons à recevoir tout à l’heure : la très sainte Eucharistie.
Le baptême lui-même, qui nous introduit à la vie de la grâce, est souvent qualifié de « nouvelle naissance ». Le sacrement de confession, quant à lui, qui nous permet d’être libéré des liens du péché et redécouvrir notre relation avec le Dieu de miséricorde, est une véritable rénovation de notre âme, c’est-à-dire littéralement qu’il la rend neuve.
Les sacrements nous rajeunissent, chers amis, en même temps qu’ils nous décrassent ! Et parce qu’ils sont avant tout un don de Dieu, ils nous font nous maintenir dans un esprit d’humilité, comme un petit enfant qui reçoit de ses parents ce qui est nécessaire à sa subsistance.
Alors, chers amis, au moment de nous approcher nous-mêmes de l’autel pour recevoir le sacrement de l’amour que Dieu a pour chacun de nous, demandons-lui « de pouvoir suivre les traces de sainte Thérèse dans la voie de l’humilité et de la simplicité du cœur », lui qui nous réjouit et nous rajeunit dès ici-bas, dans l’attente de la jeunesse éternelle du paradis.
Amen.