Tel père, tel fils ! Vous connaissez tous ce dicton. Ce que vous ne savez peut-être pas, en revanche, c’est que l’on trouve déjà cette expression au IVe siècle de notre ère, sous la plume – sous le calame, plutôt – de saint Athanase, évêque d’Alexandrie : « tel est le Père, tel est le Fils ».
Cela, en effet, semble évident, puisque le père – avec la mère – donne la vie à son fils, il lui donne son corps, mais il concourt également à la formation de son esprit par l’éducation. Or, on ne peut donner que ce que l’on possède, voilà pourquoi les enfants ressemblent souvent à leurs parents, tant physiquement que moralement. Au moins en partie. C’est ainsi que connaître le fils nous dit quelque chose du père.
Mais saint Athanase n’emploie pas cette expression au sujet des générations humaines, mais au sujet de la génération du Fils de Dieu, engendré de toute éternité par le Père. Et il ajoute : « tel est le Saint-Esprit ».
Après avoir parcouru les mystères de la vie humaine du Christ, depuis la promesse de sa venue dans le monde avec le temps de l’Avent, puis de son incarnation à Noël, de sa manifestation avec l’Épiphanie, de sa vie terrestre, de sa souffrance, de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection avec les solennités pascales, après avoir commémoré sa montée au ciel à l’Ascension, s’ouvre, avec le temps après la Pentecôte, l’ère de l’Église, l’âge de notre sanctification.
Durant cette ultime période de l’année liturgique, qui nous emmènera jusqu’à la fin du cycle de l’année et le début d’une nouvelle, notre attention est portée sur la présence de Dieu à nos côtés non pas sous une forme humaine que nous pourrions imiter mais de façon mystérieuse par la méditation des enseignements de Jésus et la pratique des sacrements. Et je vous disais dimanche dernier que si l’Esprit-Saint est dit « saint », c’est en partie parce qu’il est la source de notre sanctification, c’est lui qui est la source de notre propre sainteté, qu’il nous faut protéger et faire croître.
Et il n’est pas anodin que le nouveau temps liturgique qui s’ouvre ce dimanche commence par la fête de la Très Sainte Trinité, car c’est dans le mystère insondable de notre Dieu unique en trois personnes que nous trouvons la source de notre vie spirituelle. C’est pourquoi le baptême, qui nous rend enfant de Dieu et nous fait naître à la grâce, est conféré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, selon le commandement que Jésus lui-même laissa à ses disciples au moment de son Ascension, comme nous l’avons lu à l’instant.
Chers amis, le mystère que nous célébrons aujourd’hui me donne l’occasion d’attirer votre attention sur un point : ainsi que nous l’avons dit, tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit. Le mystère de la Trinité, loin de diviser les personnes divines, met en évidence leur égalité et leurs relations, et par là, leur profonde unité. On a parfois trop tendance à vouloir les séparer. Père, Fils et Saint-Esprit sont également immenses, éternels, incréés et tout-puissants, dit encore saint Athanase dans sa profession de foi, qu’on disait autrefois à l’office de prime de la fête de ce jour. Quoique réellement distincts, ils sont un seul Dieu.
Et cela nous apprend de Dieu qu’il est un être de relations : qu’il tend à se donner, à se connaître, à s’aimer. Et que ce sont aussi ces relations qui viennent habiter en nous par le baptême et qui y demeurent tant que nous persistons dans l’état de grâce.
Ce dimanche, nous n’honorons pas un évènement particulier de l’histoire du salut, mais un mystère de la foi, et un mystère particulièrement élevé. Dans la collecte, nous avons demandé que la foi soit une consolation et une protection contre toute adversité. Chers amis, alors que s’ouvre le temps liturgique dédié à l’accomplissement de notre salut, il faut nous remémorer tout le chemin parcouru depuis le début de l’année liturgique : l’attente de l’Avent, les joies de Noël, les efforts du Carême, la gloire de Pâques, et tirer des enseignements que nous avons reçus et des expériences spirituelles que nous avons faites à la fois la nourriture spirituelle dont nous avons besoin pour continuer la route et la consolation dans les épreuves qui nous attendent.
Car c’est désormais le temps de la mission qui s’ouvre. « Allez-donc », nous dit Jésus. Mais il ne nous laisse pas à nous-mêmes, c’est pourquoi il ajoute « voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ». « Voici que je suis avec vous ». Ce qu’il nous faut méditer aujourd’hui, avec le mystère de la Trinité, c’est aussi le mystère de la présence de Dieu en nous, présence qui se caractérise à la fois par une persévérance dans la foi et dans la charité, « car c’est de lui, et par lui, et en lui que sont toutes choses », comme le dit saint Paul.
Tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit. Alors que, depuis le début de l’année liturgique, nous avons considéré les mystères de la vie humaine du Fils, jusqu’à son Ascension et l’envoi de l’Esprit-Saint, nous voilà désormais prêts à accomplir notre retour vers le Père. En toutes ces choses, c’est Dieu qui se fait connaître à nous, qui se donne à nous, afin que nous nous donnions à lui.
« Ô profondeur des richesses et de la science de Dieu, s’exclame saint Paul ! » Dans les obstacles qui se dressent entre Dieu et nous, dans tout ce qui nous empêche de vivre le plus saintement possible, il faut aussi voir la volonté de Dieu, qui veut affermir notre volonté pour nous purifier, même si on ne comprend pas toujours pourquoi les choses sont ainsi. « Qui a connu la pensée du Seigneur, continue saint Paul. Qui a été son conseiller ? » Les raisons que Dieu a nous dépassent. Mais ce que nous savons, c’est que Dieu nous aime et est allé jusqu’à offrir sa vie pour nous, pour que nous soyons sauvés. C’est autant le Père, que le Fils, que le Saint-Esprit, qui accomplissent l’œuvre de notre rédemption.
En ce dimanche, chers amis, nous pouvons méditer sur les relations que nous avons avec Dieu, mais aussi sur les relations des personnes divines entre elles. Même si on ne comprend pas tout, car il y a des choses au-delà de notre compréhension, nous comprendrons tout de même que le mystère de Dieu est avant tout un mystère d’amour, et que c’est dans ce mystère qu’il faut plonger tout au long de notre vie, pour y être attiré par Dieu pour l’éternité, à lui la gloire dans tous les siècles.
Amen.