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Homélie pour la solennité de la Fête-Dieu

 C’est l’été ! Bien que la date officielle du changement de saison ne soit que dans deux jours, la chaleur de ces dernières semaines nous a déjà fait entrer dans la période estivale. Dans notre collège paroissial, les derniers contrôles ont eu lieu la semaine passée, et les conseils de classe se tiendront bientôt, marquant ainsi la fin de l’année scolaire et, avec l’été, le début des vacances tant attendues.

Qui dit été, en effet, dit vacances. Et vous commencez à me connaître, chers amis, vous savez que je ne manque jamais une occasion d’enquêter sur l’origine des mots. Alors, j’ai fait une petite recherche et il semble que le mot « vacances » provient du latin « vacus », qui signifie « vide ». C’est pourquoi l’on dit, en effet, qu’une place est laissée vacante ou qu’un fauteuil est vacant lorsqu’ils sont vides. De même, les vacances, c’est le moment où nous sommes absents. « Est-ce que Untel est ici ? Non, il est en vacances ». Le temps des vacances, c’est le temps de l’absence et du vide. Et c’est à la fois avec étonnement et tristesse que j’ai constaté que ce mot de « vacance » apparaît pour la première fois en 1531, s’il vous plaît, dans un texte juridique qui parle d’une « vacance de la foy », pour désigner un manque de foi.

Car le temps des vacances, en effet, n’est pas sans être parfois périlleux pour la foi, un peu comme si l’on voulait mettre le Bon-Dieu lui-même des vacances. Tandis que s’ouvre une période de détente et de changement de nos petites habitudes, changement par ailleurs fort bénéfique à notre équilibre, il faut nous demander s’il n’y aurait pas justement là un bon moyen de profiter davantage de ce qui est réellement important. En vacances, on accorde généralement plus de temps à sa famille ou ses amis, et c’est une bonne chose. On peut aussi accorder du temps à se cultiver, à lire, à faire des visites. Je vous invite, chers amis, alors que la planification de vos vacances se met en place, à prévoir une petite place pour le Bon-Dieu, à ne pas le laisser absent de vos vacances.

Car alors que les vacances évoquent le vide et l’absence, nous fêtons, aujourd’hui, la présence de Dieu parmi nous, la façon dont il nous remplit, la façon dont il nous comble. Comme dimanche dernier, où nous avons fêté la Trinité, il ne s’agit pas de célébrer tel ou tel évènement de la vie du Christ, mais de célébrer le mystère de sa présence perpétuelle parmi nous dans l’admirable sacrement de l’Eucharistie. Le Jeudi saint, nous avons célébrer l’institution de ce sacrement ; aujourd’hui, nous en célébrons la réalité.

Car l’Eucharistie est bel et bien le sacrement de la présence de Jésus, vrai homme et vrai Dieu, parmi nous. C’est ce que nous avons dit avec les mots de saint Thomas d’Aquin dans la séquence de cette messe : « ce que le Christ accomplit à la Cène, il a ordonné de le faire en mémoire de lui. Instruits par ses ordres saints, nous consacrons le pain et le vin en l’hostie du salut. C’est une vérité proposée aux chrétiens, que le pain devient la chair et le vin le sang du Christ. Cependant le Christ demeure tout entier sous l’une et l’autre espèce, il est autant sous chaque parcelle que dans le tout ».

C’est de cette présence que nous nous réjouissons avec fierté, et c’est le sens de la procession que faisons en ce jour. Chez les hébreux déjà, la présence de Dieu était symbolisée par l’Arche d’alliance, qui contenait les tables de la loi, et aussi quelques restes de la manne, ce pain que le Seigneur faisait tomber du ciel pendant l’errance de son peuple dans le désert. L’Arche contenait les signes de l’alliance, la manifestation que Dieu était avec lui, le témoignage de sa présence. Et comme l’armée des Hébreux était invincible dans la conquête de la Terre promise lorsqu’elle faisait marcher à sa tête l’Arche d’alliance, de même, chers amis, nous proclamons aujourd’hui notre confiance dans le fait que c’est cet admirable sacrement de l’Eucharistie qui nous ouvre la route de notre Terre promise : le Ciel. Le pain Eucharistique n’est cependant pas tout à fait comme la manne des hébreux ; c’est ce que nous explique Jésus à la fin de l’évangile que nous venons de lire.

La manne, c’était le pain tombé du ciel pour assurer la survie du corps pour un temps, comme la nourriture que nous prenons chaque jour. Ce pain ne préservait donc pas indéfiniment de la mort. Le pain Eucharistique, en revanche, bien qu’il est une vraie nourriture, rassasie surtout notre âme.

Dans l’hostie consacrée, dans chaque fragment du pain Eucharistique, c’est, en effet, Jésus tout entier qui se donne à nous. Et tandis que nous faisons mémoire de sa Passion qui nous sauve, il remplit notre âme de sa grâce et nous donne le gage de la vie future.

Quand nous avons un chemin conséquent à parcourir, nous emportons un piquenique. Ce casse-croute ne nous garantit pas d’arriver sans encombre, mais il nous assure que nous aurons, quoiqu’il arrive, suffisamment de forces pour parcourir la route. De même l’Eucharistie est cet aliment qui nous est donné pour la route de notre vie : elle nous donne les forces dont nous avons besoin pour la parcourir et c’est en cela qu’elle est un gage de la gloire qui nous attend à l’arrivée.

Au moment de planifier vos vacances bien méritées, chers amis, je vous invite à ne pas les placer sous le signe de l’absence de Dieu mais, au contraire, à les remplir de sa présence : un peu plus de temps accordé à la prière en famille, ou au contraire à la prière solitaire, un peu de temps pour la lecture spirituelle, et pourquoi ne pas envisager un de séjourner deux ou trois jours dans une abbaye pour se laisser porter par la vie de prière des moines ? Mais surtout, chers amis, je vous encourage à prendre un peu de temps pour venir vous recueillir devant le tabernacle, où le Bon-Dieu est toujours là à nous attendre, à nous aimer, à veiller sur nous, à s’offrir pour nous sur les autels lors de la messe, et à se donner à nous pour la route de toute notre vie.

Amen.