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Homélie pour la solennité de la Toussaint : « Venez à moi, vous tous qui peinez. »

 Joie et beauté de cette belle fête de la Toussaint, si riche en consolations ! Peu de fêtes, en effet, sont aussi aptes à nous consoler dans nos tribulations. C’est pourquoi la messe de ce jour s’ouvre par une invitation à la joie : « réjouissons-nous tous dans le Seigneur, en ce jour de fête où nous célébrons tous les saints ; solennité de laquelle se réjouissent les anges eux-mêmes ».

Toute l’année liturgique, chers amis, est parsemée des fêtes des saints, certaines plus solennelles que d’autres : les fêtes de Notre-Dame, de saint Jean-Baptiste ou des apôtres, etc. À quoi bon alors se réjouir particulièrement aujourd’hui ? Cette fête n’est-elle qu’un récapitulatif des fêtes de l’année ?

Ah, chers amis, la fête de la Toussaint est bien plus que cela ; elle est vraiment la fête de tous les saints ! La fête de tous les grands saints, bien sûr, dont nous connaissons les noms, et qui ont été élevés à la gloire des autels. Et c’est pour cela que l’on a placé tant de leurs reliques dans le chœur aujourd’hui. Mais elle est aussi, et surtout, la fête de tous les petits saints. De toutes ces âmes saintes inconnues qui, dans le cours de leur vie terrestre, ont vécu marquées du signe de Dieu.

Par conséquent, la Toussaint est aussi notre fête ! Ou plutôt, elle est l’annonce de ce qui sera notre fête, à la fin du monde, en même temps qu’une invitation pressante à nous y préparer. C’est le sens des lectures que l’Église offre à notre méditation en ce beau et saint jour.

Le mot « apocalypse » ne désigne pas en premier lieu une fin du monde cataclysmique, comme on l’entend souvent. Ce mot provient d’un verbe grec désignant l’action par laquelle un fiancé soulève le voile de sa fiancée au moment des noces. Il signifie donc en réalité la « révélation de ce qui était caché » en même temps qu’il préfigure l’union qui va s’accomplir.

Or, l’union qui est annoncée par saint Jean, c’est le retour glorieux du Christ à la fin des temps. Le Christ se lèvera depuis l’Orient, comme le soleil qui vient illuminer le monde et qui se lève à l’Est. Mais d’ici là, il nous faut supporter les ténèbres de cette vie, et c’est pourquoi nous avons besoin de la consolation et de la joie que nous offre la fête de la Toussaint.

Mais quelle est cette consolation ? C’est de nous savoir marqués du signe de Dieu. Ce signe, c’est, en un sens, le caractère sacramentel du baptême et la confirmation, qui est une marque indélébile en notre âme, qui nous identifie comme chrétiens. C’est une marque de notre âme, mais qui a été reçue sur notre front à la fois lors de notre baptême, et lors de notre confirmation.

Mais la marque de Dieu que nous sommes invités à porter, c’est aussi la pratique de la loi évangélique.

« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau », nous disait Jésus au moment de l’acclamer par l’Alléluia. Or, lorsque la foule de ceux qui voulaient être consolés s’approcha de lui, le Christ leur laissa la Loi Nouvelle.

Tout comme Dieu avait donné la Loi Ancienne à Moïse sur une montagne, c’est sur une montagne que Jésus donne sa Loi, pour nous indiquer que c’est par la loi que nous nous rapprochons des cieux. Mais tandis que les dix commandements avaient été donnés dans le feu et le tonnerre, c’est dans la douceur et la mansuétude que sont données les Béatitudes.

La raison en est, chers amis, qu’une loi n’exclue pas l’autre. Jésus n’est pas venu abolir la loi ancienne, mais l’accomplir. La finalité de la Loi ancienne, c’était d’éviter l’enfer. C’est pourquoi sa révélation a été accompagnée de signes de colère, afin de constituer un avertissement pour ceux qui voudraient la violer. Mais la finalité de la loi nouvelle, c’est la perfection de la charité ; et c’est pourquoi sa révélation est accompagnée de signes d’amour et de douceur.

Suivre la loi de Dieu, c’est faire ses œuvres, c’est donc être marqué de son signe, puisque c’est ce qui nous fait reconnaître. Les robes blanches dont sont vêtus les justes dans la vision de saint Jean montrent leur détachement des souillures de ce monde, tandis que les palmes qu’ils portent à la main, évoquant celles que nous brandissons le jour des rameaux, symbolisent les victoires qu’ils ont remportées sur les tentations du monde.

« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, dirons-nous bientôt dans l’offertoire ; et les tourments des méchants ne les atteindront pas. Aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, mais ils sont dans la paix ».

Porter le signe de Dieu, en effet, n’affranchit pas des tribulations de ce monde, mais donne la force de les supporter pour remporter la victoire, c’est-à-dire être compté avec les justes à la fin des temps pour aller à la vie éternelle, au royaume que Dieu a préparé pour ses fidèles, pour ceux qui auront fait ses œuvres et porté son signe, qui est avant tout le signe de la croix.

Or, la croix sera toujours un scandale pour le monde. Elle sera toujours pour lui un signe de réprobation. Pour nous, au contraire, qui en avons été marqués au jour de notre baptême, et au jour de notre confirmation, nous savons que c’est le signe du salut.

Alors, en cette belle fête de la Toussaint, méditons sur les promesses que nous a laissées Notre-Seigneur et sur la façon dont nous y répondons. Demandons-nous si nous sommes nous-mêmes fidèles aux promesses de notre baptême, ou de quelle façon nous pourrions y répondre de façon plus adéquate, afin de pouvoir être compté dans la multitude en fête et chanter avec tous les saints du ciel pour l’éternité : « bénédiction, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu dans tous les siècles des siècles ».

Amen.