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Homélie pour le 19e dimanche du temps ordinaire (B) : « C'en est trop ! »

Par les lectures que nous venons d’entendre, l’Église veut nous offrir, ce dimanche, une réflexion sur le courage et la confiance en Dieu.

Dans notre vie, il peut arriver que nous manquions de courage. Il peut arriver que nous trouvions les chemins que le Seigneur nous fait arpenter trop raboteux. Que les épreuves que nous avons à subir sont trop lourdes, et que nous ne les méritons pas. Il peut même arriver, – mais je parle ici des grandes épreuves de la vie – que certains puissent parfois souhaiter la mort, leur vie leur semblant absurde, dénuée de sens, vouée à la souffrance, ou à la solitude.

Nous sommes alors tentés de nous arrêter en chemin et dire au Seigneur, comme Élie : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie ! ». L’histoire d’Élie, chers amis, est bien touchante. À une époque où la grande majorité des juifs s’étaient détournés de Dieu pour adorer des idoles païennes, auxquelles ils offraient des sacrifices sanglants, lui, Élie, était resté fidèle à la religion de ses pères. Il avait même vaillamment combattu les fausses religions et leurs horreurs, ce qui lui avait valu l’hostilité farouche de la reine Jézabel, par qui ces fausses croyances s’étaient propagées, et qui avait juré sa perte. C’est pourquoi nous le retrouvons, ce dimanche, marchant dans le désert, afin d’échapper à ses poursuivants, jusqu’à l’épuisement, et presqu’au désespoir. En cela, il est une figure de nous-mêmes, lorsque nous nous enfonçons dans les épreuves de la vie, et qu’il nous semble que nous ne puissions en sortir.

En réalité, chers amis, le Bon-Dieu est toujours là, à nos côtés. À Élie, il envoya du pain, pour le fortifier sur sa route. Mais le vrai pain dont nous avons besoin dans les épreuves de notre vie, c’est Jésus lui-même. C’est Jésus qui se donne lui-même dans l’Eucharistie. « Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel », nous dit-il sous la plume de Saint Jean l’évangéliste.

Ce pain que nous mangeons à la messe, c’est vraiment Jésus. Et nous pouvons aussi dire en retour que Jésus est vraiment le seul pain dont nous avons besoin pour nous fortifier sur la route de toute notre vie. Plusieurs auteurs du moyen-âge, et Saint Thomas d’Aquin en particulier, emploient le joli mot latin de « viator », c’est-à-dire « celui qui est sur la route », pour désigner chacun de nous, ici-bas, qui marchons, à notre rythme, vers notre véritable patrie, qui est le Ciel. Jésus est le pain, qui est descendu du Ciel.

Le pain est l’aliment qui nous permet de reprendre des forces après une longue route. Il permet aussi de se préparer à reprendre la route. Cette route, que nous devons tous prendre, chers amis, c’est la route du Ciel. Le pain périssable nous permet de vivre ici-bas, comme la manne qui nourrissait les israélites dans le désert, à leur sortie d’Égypte. Notre vie, aussi facile et agréable qu’elle puisse parfois être – et les israélites nourris par la manne avaient une vie facile : ce pain leur était donné chaque jour par miracle : ils n’avaient qu’à se baisser pour le ramasser, ils n’avaient même pas à le conserver puisqu’il leur était donné tous les jours. Imaginez un peu : du pain frais, chaque matin, devant votre porte, et gratuit !

Mais cette vie terrestre, si facile parfois qu’elle puisse être, aura toujours une fin ; c’est ce dont Jésus veut que nous ayons bien conscience lorsqu’il dit : « vos pères ont mangé la manne et ils sont morts ». Ce ne sont pas les biens terrestres, aussi abondants qu’ils puissent être, qui nous conduiront au ciel.

Pour soulager le peuple juif de sa pauvreté et lui donner une preuve de sa divinité, Jésus avait multiplié ce pain mortel. Rappelez-vous, c’était la lecture que nous avions il y a tout-juste quelques dimanches. Mais il n’a pas accompli ce miracle trop souvent, il ne l’a probablement fait que deux fois, au témoignage des évangélistes ; cela pour nous apprendre que ce n’est pas dans l’abondance des biens terrestres qu’il faut mettre notre espérance. C’est pourquoi, il dit à ses disciples un peu comme un reproche : « Vous me cherchez, parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ». C’était l’évangile de dimanche dernier.

Le pain de la parole de Dieu, Jésus, le Fils de Dieu fait homme, fait chair, fait pain dans l’Eucharistie, c’est ce pain-là qui nous permet de cheminer vers la vie éternelle. « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », nous dit Jésus. Ce pain-là, « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ». Ô admirable sacrement de l’Eucharistie ! Ô très saint repas auquel nous sommes tous invités, dans lequel c’est le Christ, Jésus lui-même, que nous recevons, alors que nous nous recueillons en faisant mémoire de sa mort et de sa résurrection. L’Eucharistie comble notre âme de grâce et nous donne un gage de la vie qui nous attend dans le ciel.

Cultivez toujours, chers amis, un grand amour pour l’Eucharistie. Outre la messe, chaque dimanche, nous avons la grâce d’avoir le Saint-Sacrement exposé à notre adoration presque chaque samedi ici-même, dans cette église. Venez autant que vous le pouvez, l’église est ouverte tous les jours. Même si la porte du tabernacle est fermée, vous savez que Jésus est réellement présent sur cet autel, et qu’il vous attend, chacun de vous, personnellement.

C’est en suivant la route de notre vie dans cet esprit que nous pourrons un jour bénéficier de la promesse que nous a laissée Jésus dans l’évangile que nous venons de lire : « Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit […] je le ressusciterai au dernier jour ».

Il faut garder confiance en Dieu, ne pas se plaindre des malheurs de la vie, etc. etc. etc… Vous me direz qu’il est facile de tenir ce discours lorsqu’on est jeune et en bonne santé. Après-tout, un grand saint comme Élie, un grand ami de Dieu, lui-même semble avoir failli jeter l’éponge, on l’a lu ! Mais figurez-vous que je parlais il y a quelques jours avec une personne âgée, dont tous les proches ont quitté cette vie, ne lui laissant pour toute famille qu’un fils et un neveu. Elle me confiait demander souvent au Seigneur la raison de son maintient ici-bas. « Pourquoi il me laisse seule ici ? », me disait-elle demander souvent au Bon-Dieu.

Mais toujours, après l’incompréhension et le doute, son regard s’illuminait, et elle confessait avoir eu une vie merveilleuse et rendait grâce à Dieu pour tous ses bienfaits. Vraiment, cette personne dont je vous parle peut répéter le psaume que nous avons chanté : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres ».

Nous sommes tous marqués, comme chrétiens, du sceau de l’Esprit-Saint, comme le rappelle Saint Paul. Nous sommes « ses enfants bien-aimés ». Vivons donc de façon « à ne pas l’attrister » par notre manque de foi. Les grands saints, ce ne sont pas ceux qui ne trébuchent jamais, ce sont ceux qui se laissent toujours relever par la grâce de Dieu. C’est en cela qu’il nous faut prendre exemple sur Élie ce dimanche. Comme lui, et à l’invitation de Saint Paul, vivons « dans l’amour comme le Christ nous a aimé », nous offrant nous-même à Dieu, avec toutes les faiblesses de notre vie mais aussi nos joies et nos succès.

« Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de notre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyons entre nous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnons-nous les uns aux autres ». En somme, cherchons à « imiter Dieu, puisque nous sommes ses enfants ». Alors, vraiment, nous pourrons dire que nous vivons dans l’amour, qui est l’essence-même de Dieu, qu’il nous communique par son Esprit.

Venez, Esprit-Saint, emplissez le cœur de vos fidèles et allumez en eux le feu de votre amour.

Sainte-Marie, Mère du divin amour et de la sainte espérance, priez pour nous.

Amen.